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Épure amoureuse
Pierre Mari   L'Ange incliné
Actes Sud - Domaine français 2008 /  18 € - 117.9 ffr. / 222 pages
ISBN : 978-2-7427-7706-8
FORMAT : 11,5cm x 21,5cm

Date de parution : 20/08/2008.
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Avec ce nouveau roman, Pierre Mari nous offre un chant d'amour hors-norme, celui d'un quarantenaire qui ne savait pas bien pourquoi il fuyait encore le désabusement. Mal dans son travail, mal dans sa famille, il est déçu de tout, mais refuse d'abdiquer comme le font un par un ses anciens camarades, comme ils l'ont d'ailleurs à ce jour tous fait : il n'avouera pas qu'il n'accomplira jamais ses rêves de jeunesse, il ne prendra pas le recul de l'adulte condescendant qui sourit devant l'impétuosité, la radicalité des plus jeunes. Écrasé par une fatigue qui va au-delà de l'épuisement physiologique, il se cramponne à cette ligne de front qu'il a choisi de ne pas céder, tout simplement pour ne pas s'avouer mort. Et, du jour au lendemain, comme la récompense inespérée, un bouleversement sans précédent intervient dans sa vie. Il a pour nom Anna. Elle a vingt-quatre ans et leur rencontre fortuite dans un train se révèle être l'évidence absolue qui donne sens, subitement, à son existence.

Arrivé à ce point de l'histoire, L'Ange incliné pourrait facilement sombrer dans un banal mélange de romantisme tendance happy-end et d'évocation psychologisante du «démon de midi». Il n'en est rien, grâce à la force de l'écriture, à la pureté des sentiments, à la violence de l'expérience. Si le style frôle parfois la froideur de l'artisan qui polit soigneusement ses phrases, il est suffisamment transparent et harmonieux pour que les éclats de passion qui débordent de temps à autre en soient transcendés : leur fulgurance n'est atténuée par aucun lyrisme, la folie de leur sincérité est rehaussée par la sobriété de l'ensemble, bien écrit, irréprochable, mais finalement assez linéaire. Et, après tout, n'était-ce pas le meilleur moyen de rendre le vécu d'un universitaire au quotidien désespérément rangé, mesquin, en proie à un sentiment qu'il ne maîtrise pas?

Car l'amour que l'on découvre ici n'est pas commun. Tout d'abord parce qu'il sait cohabiter avec d'autres relations affectives que l'on serait tenté d'appeler elles aussi amour, et ce sans tricherie. Le lien qui unit le narrateur à Anna n'est pas partiel, ils ne s'offrent pas l'un à l'autre qu'un morceau de leurs existences ; pourtant, quelqu'un les attend, ailleurs, ils le savent. C'est que, en réalité, ce qui les rassemble, ce qu'ils éprouvent, ne peut être défini, ne peut être enfermé dans les limites étroites d'un mot, fût-il le mot amour. Aussi, ne s'agit-il pas de vivre deux amours en même temps. D'ailleurs, les frontières du temps elles-mêmes semblent disparaître autour d'eux, et pas seulement du fait de leur différence d'âge. Ensemble, ils vivent une expérience comparable à celle d'Emma et Léon à Rouen, dans Madame Bovary, une dissolution de tous les repères tandis que l'autre devient l'alpha et l'oméga, la source et les critères des nouveaux paramètres de la vie. La place que prend la cathédrale dans leurs souvenirs n'est à ce propos pas sans suggérer une discrète correspondance littéraire.

Faut-il donc voir dans L'Ange incliné un subtil et très habile plaidoyer pour le poly-amour, faut-il considérer Pierre Mari comme un héritier, sur ce plan, de Sartre ou Bauvoir ? Cela serait peut-être forcer un peu le trait, et ne voir dans ce roman que ce qui en lui diffère particulièrement de la plupart des romans d'amour. Surtout, cela signifierait passer sous silence certains autres aspects propres à interpeller le lecteur, comme la chasteté de l'écriture et celle, quoique éventuellement un peu plus relative, des personnages. Les romanciers contemporains nous ont habitués à des descriptions toujours plus précises de leurs fantasmes, orgasmes et jeux sexuels divers. Que le lecteur se rassure – ou passe son chemin, déçu -, il n'y en a pas dans ce livre. Pas même une embrassade langoureuse. Par contre, les moments qui font parfois s'effleurer les mains, les visages, la formulation exacte d'une réplique inattendue, les conversations interminables cœur à cœur, tout est là, sans mièvrerie, juste avec naturel.

Au-delà de l'éclosion imprévue d'une passion, Pierre Mari raconte aussi le vide qui ronge l'institution universitaire, le carcan étouffant et ridicule qu'elle fait peser sur tous, élèves et enseignants ; il évoque la douleur d'une famille où l'on s'aime d'une étrange façon, où le père tente de s'échapper, la fille survit en hôpital psychiatrique, la mère s'enferme et le fils s'ennuie ; il parle de la difficulté que l'on peut éprouver à vieillir, et de la vie que recèlent les vieilles pierres dans toutes les villes, des correspondances magiques entre les faits et les esprits. C'est avec un certain talent qu'il mène de front toutes ces missions ; mais Anna demeure le cœur, l'horizon indépassable de l'ouvrage.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 15/09/2008 )
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