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Carnets de l’écrivain
Imre Kertész   Journal de galère
Actes Sud 2010 /  21 € - 137.55 ffr. / 275 pages
ISBN : 978-2-7427-9238-2
FORMAT : 11,5cm x 21,6cm

Traduction de Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba
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«Autrefois, la littérature montrait comment «ils» vivaient ; aujourd’hui, l’écrivain ne peut plus parler que de lui-même : dire comment «il» vit (essaie de vivre), à quel point il est perdu et désemparé» - I. Kertész,1981.

Imre Kertész (né en 1929) a obtenu le Prix Nobel de Littérature en 2002. C’est, avec son roman Être sans destin (1975), qui retrace l’itinéraire tragique d’un jeune hongrois déporté (qu’il fut), le second facteur de sa notoriété en France. En effet, son œuvre entière est marquée par son expérience des camps et de la barbarie «ordinaire» dont il fut la victime et le rescapé. Toute sa réflexion ou presque part de ce constat de la déshumanisation dont il fut l’objet et qui découlera sur une philosophie de l’absurde à laquelle la lecture de Camus contribuera. Ce Journal de galère est en fait un recueil de pensées, de réflexions, d’aphorismes et de textes autobiographiques qui couvrent 30 années d’écriture (1961-1991).

Et l’on retrouve ici les obsessions de l’auteur ainsi que les lectures qui ont pu, sinon les maitriser, au moins les révéler. Camus, Beckett, Kafka, Nietzsche, Pascal apparaissent dans les écrits de Kertész de manière structurante et signifiante. Mais tout part d’Auschwitz : «C’est maintenant que je me suis rendu compte que rien ne m’intéresse autant que le mythe d’Auschwitz. Quand je pense à un nouveau roman, je pense uniquement à Auschwitz. Quelles que soient mes réflexions, elles portent toujours sur Auschwitz. Même si je parle d’autre chose en apparence, je parle d’Auschwitz. Je suis le médium de l’esprit d’Auschwitz, Auschwitz parle par moi. Tout le reste me parait inepte. Et il est sûr, absolument sûr que ce n’est pas uniquement pour des raisons personnelles. Auschwitz et tout ce qui en relève (mais qu’est-ce qui n’en relève pas désormais ?) est le plus grand traumatisme que l’homme européen ait subit depuis la croix, même s’il lui faudra des dizaines voire des centaines d’années pour le comprendre. Et sinon, tant pis. Mais alors pourquoi écrire ? Et pour qui ?» (1973)

A partir de ce postulat, Kertész va étayer sa réflexion sur son époque mais aussi sur ses contemporains. Si la lecture des écrivains hongrois le passionne (Krüdy, Balázs, Széchenyi, Márai), sa propre intériorité ressort également. Ce journal est aussi le terrain de l’expression de sa souffrance, de sa mélancolie et d’une certaine impossibilité à vivre. Les camps ont fait de Kertész un être inadapté, un déclassé, un marginal, et son style, d’une profondeur et d’une puissance immenses, a fait de lui un écrivain singulier. Lire ces carnets, éminemment fracturés, c’est se promener avec un homme, un témoin, c’est être en empathie avec un écrivain solitaire et distingué, c’est, enfin, appréhender comme il se doit un moraliste : «La beauté est le rêve inaccessible du désir. Voilà pour quoi la forme la plus pure de l’existence humaine opposée est toujours la douleur».

Kertész voyage et ramène de ses déplacements quelques bribes, quelques saisissantes descriptions, des rencontres impossibles et une mélancolie permanente. Chez lui le banal côtoie le tragique de la même manière que les nazis ont rendu banals le crime et une situation on ne peut plus tragique : «Janvier 1981. Hier soir, promenade sur les quais du Danube. Il faisait froid. Devant le Parlement, un Polonais m’aborde dans un allemand hésitant. Il est de Cracovie. Juif. Nous bavardons un peu, je ne sais plus de quoi, mais avec tristesse et une sorte de compréhension surnaturelle. Puis je poursuis ma route. Nuit. Brouillard. Humidité. Rien à faire».

C’est là toute la force de la littérature. Ou comment exprimer avec les mots qu’il faut, avec la tonalité adéquate, et la force de vérité qui appartient seule à l’homme de plume, non pas l’émotion comme on se plait à le dire sur chaque plateau télé, mais la retranscription à la fois personnelle et universelle de la fracture humaine. Kertész, dont le style est en soi une forme de totalité, parvient à capter ces instants. Au détour d’une lecture de Pascal, d’une promenade solitaire ou encore lorsqu’il s’occupe de sa mère mourante, il fait œuvre de littérature.

Journal de galère est un livre qui accompagne, porteur d'une humeur qui touche au plus profond de nous-mêmes.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 23/05/2011 )
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