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Le Monde de K.
Franz Kafka   Lettres à Max Brod - 1904-1924
Rivages - Bibliothèque Rivages 2008 /  23 € - 150.65 ffr. / 329 pages
ISBN : 978-2-7436-1798-1
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen/ (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Les lettres des grands romanciers sont problématiques. Tout comme celles d'Albert Camus à René Char, ces artistes doivent discuter de choses sérieuses quand ils se voient mais échangent souvent des banalités quand ils s'écrivent.

Écrivain tchèque d'expression allemande, né à Prague en 1883 et mort au sanatorium de Kierling, près de Vienne, en 1924, Franz Kafka est l'auteur d'une œuvre considérable qui a marqué le XXe siècle. Cet homme fin et sensible, solitaire et blessé, est l’un des romanciers les plus modernes et l’un des plus importants de toute l’histoire de la littérature, bien loin des dogmes avant-gardistes de son époque. Son œuvre sut saisir, avant Max Weber et les philosophes, un monde rongé par la bureaucratie, les bureaucrates mais aussi l’esprit de la bureaucratie, qui technicise tout, faisant disparaître la singularité des êtres. Kafka sentait que le monde changeait, que notre rapport au temps, à l'existence changeait ou était en train de changer, pour devenir un piège. Dans plusieurs domaines, l'apport littéraire de Kafka est phénoménal et c'est cela qui fait sa valeur littéraire.

Kafka parle de la liberté dans une société rongée par l'administration (cette liberté est aussi illimitée qu'impuissante), où la vie privée n'est plus ce qu'elle était (tout le monde surveille tout le monde et ce secret de l'intimité, nous ne l'exigeons même plus.), où les temps humains se heurtent à celui de l'administration qui ne connaît ni jeunesse, ni vieillesse, un monde où les aléas administratifs règlent nos vies ; à l'ère informatique, personne n'est à l'abri, le combat pour échapper à pareil univers est devenu impossible. K., dans Le Procès, se croit coupable alors qu'il ne sait pas de quoi il est accusé : le châtiment cherche la faute... Franz Kafka, qui fut embauché à l’Office d’assurance contre les accidents du travail pour le royaume de Bohême, n'est pas prophète ; il assiste à l'avènement de ce monde qui est le nôtre aujourd'hui.

On dit souvent que Franz Kafka a demandé expressément à Max Brod, son ami et exécuteur testamentaire, de ne jamais faire publier certains textes mais que celui-ci passa outre cette volonté. C'est faux. Dans sa préface, le traducteur Pierre Deshusses écrit : «Cette version solidement enracinée dans les esprits montre que l’histoire de la littérature aime bien les histoires. S’il est vrai que, dans une lettre de l’hiver 1921, Kafka a bien demandé à Brod de tout brûler après sa mort, il faut savoir que c’est Brod qui a commencé par faire une telle demande à son ami. Dans une lettre du 21 décembre 1918, il lui dit de brûler les liasses d’écrits qui sont dans son bureau, sans les ouvrir, au cas où il viendrait à mourir. Kafka répond avec désinvolture : «La chose ne sera pas faite mais examinée.» (…) De surcroît, il écrit un an plus tard, alors que sa maladie progresse dans une lettre du 29 novembre 1922, de tout brûler sauf Le Verdict, Le Soutier, La Métamorphose, La Colonie pénitentiaire, Médecin de campagne, et le récit Un artiste du jeûne. Il y a déjà une grande différence. Et cette lettre, il ne l’a jamais envoyée. Brod l’a retrouvée dans les papiers de Kafka après sa mort. Si Kafka avait véritablement voulu que ses écrits disparaissent, il s’y serait pris autrement, sans déléguer cette mission à son meilleur ami qui le considérait, il le lui avait écrit dès 1917, comme «le plus grand auteur allemand». Brod n’a certainement pas trahi son ami en livrant les écrits de Kafka à la postérité» (p.7).

Cette mise au point faite, on peut néanmoins remarquer que même si Kafka avait demandé une telle chose et que son ami n’avait pas obtempéré, ce dernier n’était pas obligé de tout livrer. Qu’il donne des œuvres essentielles comme Le Château ou Le Procès, soit, mais qu’il mette dans le même panier, lettres, documents intimes, correspondances et autres, il y a là une nette différence. Ce fut une erreur de la part de Max Brod concernant son ami, sur le respect de la vie privée qu'il estimait fondamental.

Franz Kafka rencontra Max Brod en 1902. L'amitié entre les deux hommes ne repose pas seulement sur la proximité spirituelle et les ambitions littéraires. Ils font partie d'un cercle philosophique qui se réunit au café Louvre, et se rendent dans des salons littéraires de Prague. Ils se rencontrent aussi pour assister à des spectacles de variété. Ils n'évitent pas les endroits sordides, des tavernes obscures, des maisons closes... A partir de 1909, les deux amis font ensemble plusieurs grands voyages. C'est avec Max Brod que Kafka se rend à Paris en octobre 1910, en Italie du Nord et à Paris en 1911 et à Weimar en 1912. Max Brod écrira plusieurs romans dont la trilogie composée de Le Chemin de Tycho Brahé vers Dieu (1916), Rubeni, prince de juifs (1925) et Galilée en captivité (1948) mais il n'est pas un grand écrivain. Cependant, il a du flair pour découvrir de nouveaux génies : le compositeur Leos Janacek et l'écrivain Jaroslav Hasek, auteur du Brave soldat Chveik.

Dans toutes ses lettres, Franz Kafka fait preuve d'une grande bonté et de sympathie envers son ami, s'inquiétant de lui, sollicitant sa venue, lui demandant conseil, l’encourageant dans ses œuvres. Un ami fidèle et dévoué. Il peut écrire : «Car, tu sais, Max, mon amour pour toi est plus grand que moi et plus habité par moi qu’il n’habitait en moi, et il est mal assuré vu ma nature fragile, mais dans le petit caillou il trouve une maison de pierre, même si c’est une fente entre les pavés de la Schalengasse. (…) Bref, je t’ai cherché le plus beau des cadeaux d’anniversaire et je te le donne avec un baiser qui doit exprimer l’impossible remerciement que tu sois là» (p.68).

Kafka évoque aussi la volonté de se suicider (p.95) ou souvent, fait preuve humour. Il écrit : «Ici, c’est tellement végétarien que même les pourboires sont interdits» (p.72). Souvent aussi, il parle de sa maladie, la tuberculose déclarée en 1917, de ses insomnies, relate ses difficultés avec les femmes, notamment avec Felice Bauer qu'il rencontre en 1912, avec Julie Wohryzek, Milena Jesenska (1920) et enfin Dora Dymant qui sera sa dernière compagne.

Si les lettres sont souvent anecdotiques, voilà un livre qui intéressera ceux qui veulent pénétrer l’univers et la personnalité de Franz Kafka, lettres qui, rappelons-le, auraient dû rester dans un tiroir.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 30/06/2008 )
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