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Le bonheur est dans le près ! | | | David Herbert Lawrence L'Amour, le Sexe, les Hommes et les Femmes Le Rocher - Anatolia 2003 / 19.00 € - 124.45 ffr. / 215 pages ISBN : 2-268-04738-5 FORMAT : 14 x 22 cm
Traduit de l'anglais par Marie-Claude Peugeot Imprimer
Quelle bonne idée que cette édition par Le Rocher de textes inédits de DH Lawrence, regroupés sous le titre on ne peut plus explicite de LAmour, le Sexe, les Hommes et les Femmes. On laura compris, il sagit ni plus ni moins ici que des méandres de la fusion entre les êtres, soumis au regard sulfureux et décapant dun spécialiste en la matière.
DH Lawrence, qui toute sa vie fut guidé par lamour des femmes sa compagne Frieda, son grand amour, en tête décline les jeux de lamour au sens large, en déroulant le fil dune pensée audacieuse et agacée par les dérives du monde moderne et leurs ravages sur la grandeur des sentiments : «Or, ce qui laisse pantois, cest que les jeunes semblent pouvoir très bien se dispenser de toute "conscience cosmique" ou de tout "amour de lhumanité". Dans lensemble, ils ont dépouillé leur affect de la gangue cérébrale des généralisations : le rapport avec le cosmique et lhumain.»
Au fil dune prose riche, lyrique, parfois complexe, Lawrence retient la grande force de lamour qui est avant tout voyage, transport de lun vers lautre , pour mieux fustiger sa retombée humiliante, lacte sexuel, qui selon lauteur prévaut sans raison ! Cet acte copulatoire se retrouve même dans la danse moderne, qui, par notre faute, est réduite «à deux mouvements : celui de se précipiter vers la copulation, ou bien celui de glisser, de sagiter et de se trémousser pour léviter. Il est ridicule, cest certain, de faire lamour en musique, et, en musique, de se faire faire lamour.» Tout un programme ! Quand il sattelle à une réflexion sur la pornographie, Lawrence, familier de la censure son roman LAmant de Lady Chaterley dut attendre plus de 30 ans avant dêtre autorisé en Angleterre - noublie pas de fustiger les gardiens dune morale qui le dépasse : «Pendant le même temps, cette vox dei clame les louanges de films, de livres et darticles de journaux qui, à une nature pécheresse comme la mienne, semblent parfaitement abjectes et obscènes.»
La seconde partie de louvrage, Nature et écrits poétiques, est constituée de courts textes publiés après la mort de lauteur, qui transcendent la nature sous toutes ses formes, dans une mise en scène sauvage et païenne, où Lawrence excelle à retranscrire des ambiances, des impressions, tableaux suspendus dune nature toute-puissante. Y alternent de très beaux textes sur la chasse, les animaux domestiques, le rossignol, la Toscane ou les mythes antiques. On retiendra notamment le texte «Pan en Amérique», où lauteur décrit la mort de Pan, dieu de la nature universelle, dont la mort symbolise classiquement le passage de lère païenne à lère chrétienne. Lawrence relie quant à lui cette mort du dieu Pan à lidée de modernité : «Quand tout a été dit, quand tout a été fait, la vie elle-même consiste en une affinité vivante entre lhomme et son univers : le soleil, la lune, les étoiles, la terre, les fleurs, les oiseaux, les animaux, les hommes, tout et pas en une "conquête" à tout prix, de toute chose existante. Même la conquête de lair rend le monde plus petit, plus étroit, et lair plus rare.»
Ce qui frappe ici est que la pensée de Lawrence, quel quen soit le tissu, retourne toujours à ses récurrences, à ses obsessions : lharmonie cosmique, la petitesse de lhomme face à la Nature, lordre et le mystère des choses, ou plus prosaïquement le joug dune mère abusive et autoritaire, et lémancipation inexorable des femmes. À la lecture de cet ouvrage iconoclaste, force et de constater que ce grand ordre des choses quadmirait tant Lawrence ne les aura faites quà moitié : le grand public retient surtout de ce grand artiste une réputation scabreuse, qui ne révèle absolument pas limmensité
de son talent.
Caroline Bee ( Mis en ligne le 29/09/2003 ) Imprimer | | |