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Littérature  ->  Essais littéraires & histoire de la littérature  
 

Quand Artaud est de la revue…
Olivier Penot-Lacassagne    Collectif   Artaud en revues
L'Âge d'homme - Bibliothèque Mélusine 2005 /  20.00 € - 131 ffr. / 205 pages
ISBN : 2-8251-1966-0
FORMAT : 15,5x22 cm
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Animée par Henri Béhar, la Bibliothèque Mélusine des Editions L’Âge d’homme se veut une véritable collection patrimoniale d’archives et d’études sur le surréalisme. Elle accueille aujourd’hui, sous la direction d’Olivier Penot-Lacassagne, un recueil d’articles consacrés à la présence d’Artaud dans les revues françaises, des années 20 à nos jours.

Une dizaine de contributions nous permettent donc de suivre par la bande, dans des feuillets éphémères ou des organes plus sérieux consacrés par l’institution littéraire, la trajectoire éditoriale du «Mômo» : du turbulent Crapouillot aux fanzines les plus obscurs des années 80, en passant bien sûr par la très sollersienne Tel Quel ou encore l’inextinguible Tour de Feu.

Bien avant d’être (brièvement) intégré à la nébuleuse des surréalistes parisiens, Artaud avait déjà passé quelques textes dans des revues au rayonnement relatif mais honorable, diffusées depuis sa ville natale, Marseille : Fortunio, fondée par un certain Marcel Pagnol ; La Criée et La Rose des vents successivement dirigées par le poète-pharmacien injustement oublié Léon Franc ; enfin Les Cahiers du Sud magistralement animés, jusqu’à sa mort mystérieuse, par André Gaillard, cet ami pour lequel Artaud écrivait sur un exemplaire de L’Ombilic des limbes qu’il était «un des rares à avoir mis son doigt sur (sa)peine de mort.» C’est réellement grâce aux Cahiers du Sud que le nom d’Artaud put être associé à la génération montante de la littérature de la fin des années vingt, ces Crevel, Desnos, Eluard, Soupault, Vitrac, etc. qui avaient depuis peu croisé le chemin de l’intransigeant Pape Breton.

De la collaboration d’Artaud à la Révolution surréaliste, qui s’étendit de 1925 à 1928, Norbert Bandier offre une approche bourdieusienne, basée sur une véritable sociologie de ses pratiques artistiques. Bandier étudie en effet, d’après ses publications successives mais également le poids de «l’ordre généalogique» sur sa création, l’implication d’abord enthousiaste puis de plus en plus distanciée d’Artaud dans le mouvement surréaliste, jusqu’à son exclusion du groupe en novembre 1926 pour «poursuite isolée de la stupide aventure littéraire». Où l’on voit dès lors se dessiner le paradoxe fondateur qui fera d’Artaud ce solitaire absolu : «D’un côté la révolte contre une aliénation originelle, dans laquelle l’ordre généalogique lui imposait une morale catholique rigoureuse et un destin social, peut trouver son épanouissement dans le surréalisme, tandis que de l’autre côté sa volonté de se construire une subjectivité indépendante de créateur le conduit vers des voies plus classiques d’accès à la renommée

L’assomption de sa quête de liberté frénétique et de sa rage d’être, Artaud ne la connaîtra finalement ni dans un groupe, encore moins dans une académie, mais plutôt avec le théâtre et, plus dramatiquement, la folie. Installé dans un isolement qui contribuera également à forger son mythe, Artaud se voit interpellé, après guerre, par une nouvelle génération de revues en rupture avec le monopole des Temps modernes de Sartre, telles L’Heure nouvelle ou Troisième convoi. C’est le retour à Paris, qui ne durera que deux ans mais sera riche en événements retentissants (la conférence du Vieux-Colombier, l’interdiction de la transmission radiophonique de Pour en finir avec le Jugement de Dieu

L’article d’Olivier Penot-Lacassagne, artaudien de la première heure, et plus encore son long entretien avec Christian Prigent de « TXT », montrent bien que, dès après sa mort, Artaud devient la référence incontournable des avant-gardes émergentes. Tel Quel n’en finit pas de lui ronger son os et l’associe, parfois arbitrairement, avec d’autres figures de son panthéon, Georges Bataille en tout premier. L’atout de la provocation est joué, rejoué et surjoué ; le corps-langue-texte d’Artaud est théorisé, décortiqué et trait-d’unionisé par Derrida. Dans les années 60, les jours de soleil, on l’affuble même d’une jolie casquette frappée d’une étoile rouge. Logique : A star is born !

Depuis cette époque, le scandaleux cadavre d’Artaud n’a de cesse d’être ressorti de son placard, tantôt dans la grande presse pour évoquer les débats juridiques autour de l’interminable édition de ses œuvres définitivement incomplètes, tantôt pour être brandi par d’obscurs rédacteurs de presse underground, selon lesquels Héliogabale n’est sans doute rien d’autre que le nom d’un champignon hallucinogène. Mais ne sont-ce pas là les rançons et les rancoeurs que l’on retire immanquablement de toute gloire posthume ?


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 15/08/2005 )
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