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Littérature -> Essais littéraires & histoire de la littérature |
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Artaud, dépeupleur dépeuplé | | | Florence de Mèredieu C'était Antonin Artaud Fayard 2006 / 35 € - 229.25 ffr. / 1086 pages ISBN : 2-213-62525-5 FORMAT : 15,5cm x 23,0cm
L'auteur du compte rendu : Chargé d'enseignement en FLE à l'Université de Liège, Frédéric Saenen a publié plusieurs recueils de poésie et collabore à de nombreuses revues littéraires, tant en Belgique qu'en France (Le Fram,Tsimtsoum, La Presse littéraire, Sitartmag.com, etc.). Depuis mai 2003, il anime avec son ami Frédéric Dufoing la revue de critique littéraire et politique Jibrile. Imprimer
Son amie Anne Manson le déclarait : «Artaud est insupportable mais quand on passe quelques minutes avec lui, on ne peut plus supporter personne dautre». Hélas, le long face-à-face avec le Mômo auquel nous convie Florence de Mèredieu ne convainc pas. Reconnaissons-lui, certes, un indéniable courage : celui de sêtre attachée à retracer par le menu lun des parcours artistiques les plus tortueux et les plus obscurs. Tout est consigné dans son ouvrage, des Tarahumaras à la Conférence du Vieux-Colombier, de la tonsure pour le Jeanne dArc de Dreyer à la censure radiophonique de 1948, de la canne de saint Patrick aux glossolalies
Malheureusement, cet impressionnant pavé trouvera difficilement son public ; et ceux qui auront eu assez de souffle pour le lire de bout en bout le refermeront en sétonnant den retirer finalement si peu.
Demblée, Florence de Mèredieu nous met en garde : toute réduction biographique dAntonin Artaud savère inopérante, voire obscène. Du coup, lauteur adopte le parti pris de ce quelle qualifie de «double balayage constant», entre «une première approche, large, englobant la culture dun demi- siècle [
] et le contexte où [Artaud] se meut» et «une seconde approche, plus précise et compulsive, proche du regard de lentomologiste, appliquée à disséquer ou à grossir les différents détails». Et cest là que le bât blesse : au fil de son récit, ces deux dimensions complémentaires sarticulent mal, le fourmillement de lanecdotique le disputant en lourdeur aux truismes et aux généralités.
Ainsi le lecteur se verra-t-il assener lénumération des navires de la compagnie maritime fondée par laïeul Marius-Pierre en 1877 ; des tartines encyclopédiques sur les effets des opiacés dont notre poète fut grand consommateur ; le décorticage des affiches de ses représentations théâtrales et le dénombrement de ses rôles, principaux ou secondaires ; les dates de ses transferts dans les pavillons dune même maison de santé ; le décompte exact de ses cinquante-huit séances délectrochocs, etc. À lopposé de ce foisonnement répond la relation télégraphique, et en somme bâclée, des décennies où Artaud fit tour à tour figure davant-gardiste, de marginal, dexclu et de martyre. Épinglons pour exemple cet elliptique passage sur les rapports dArtaud avec lhéritage libertaire : «Les sources de lanarchisme moderne remontent vraisemblablement à la Commune. Entre 1892 et 1894 eurent lieu de nombreux attentats anarchistes. Rêvant dune transformation radicale du monde, Aragon, Breton et bien dautres y trouvèrent un modèle». Ou encore ce commentaire gratuit, à la suite du fichage des vêtements et menus objets dArtaud lors de son entrée à lHôpital Henri-Rousselle : «Cette liste ne sapparente en rien, on le voit, à un inventaire à la Prévert, mais plutôt à ces inventaires de personnes ordinaires dont Christian Boltanski fut, à une époque, si friand». Sous prétexte quil était surréaliste, eût-il fallu sattendre à ce quArtaud débarquât à lasile avec un parapluie, une machine à coudre et une table de dissection en poche ?
Cest donc autant lexhaustivité quasi clinique de Florence de Mèredieu que laffligeante superficialité de certains de ses constats qui étouffent lintérêt de son sujet. Quelle déconvenue ! Celui qui osa dire de lauteur de Nadja et de sa clique quils étaient «des palotins, des jouisseurs ignobles, des gens sans foi ni loi conduits en toutes choses par leur sexe, par un relent de lit et de caves» ; celui qui, sur une intuition, précipita son retour dAlgérie pour sauver Balthus du suicide ; celui qui sévertua, avec une hargne souveraine, à chier sur notre jeu, méritait mieux que cela. Voilà ainsi que lâme de Nanaqui est à nouveau emprisonnée ; et le capitonnage de sa cellule est épais de 1090 pages.
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 27/10/2006 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud de Emmanuel Venet Artaud en revues de Olivier Penot-Lacassagne , Collectif | | |
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