| Arnaud Genon Hervé Guibert : Vers une esthétique postmoderne L'Harmattan - Critiques littéraires 2007 / 28,30 € - 185.37 ffr. / 318 pages ISBN : 978-2-296-03210-1 FORMAT : 15,5cm x 24,0cm
L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).
Arnaud Genon collabore à Parutions.com Imprimer
À l’image de ses collègues professeurs de lettres et maîtres de conférence, Arnaud Genon a pris sur lui la tâche ingrate d’analyser une œuvre : celle d’Hervé Guibert. Tâche d’autant plus ingrate et périlleuse qu’il s’agit plus que d’une œuvre : d’une œuvre-vie, d’une vie-œuvre, d’une œuvre qui dit une vie, d’une vie qui tente de se refléter dans une œuvre.
Sans surprise donc, le travail de Genon croise des questions importantes de la littérature contemporaine, autour de la subjectivité, du moi, du récit. Afin de ne pas s’égarer dans le labyrinthe de la création, le travail universitaire de l’auteur part, d’une manière classique, de l’ossature interne – ce qu’il nomme l’intratextualité : le journal intime dont Guibert voulut faire la charpente de son travail, à la jonction d’un réel brut ou, comme le note Genon, d’une «impression de réel».
Reprenant à Deleuze le concept de rhizome, Genon montre comment les romans de Guibert, comme excroissances du journal – et moyen de décharger le journal de certaines thématiques, ou certains personnages trop pesants –, se renvoient les uns aux autres, et présentent une cohérence forte. L’étude de l’intertextualité de l’œuvre conduit l’auteur à démontrer que celle-ci, par son «impureté» même, fondatrice du genre «postmoderne», fragmente le sujet, et réenchante les œuvres du passé sur un mode ironique. Mais en utilisant librement la figure d’autrui (sa famille, les amants, les grandes sources d’inspiration intellectuelle) pour se dire lui-même, le sujet écrivant révèle sa propre inconsistance – une inconsistance dont l’expérience du SIDA poussa Guibert à prendre encore davantage conscience.
Ainsi Genon, à travers le décorticage des fulgurances de Guibert, décline-t-il une fois de plus une problématique vieille comme les Essais de Montaigne et aboutit à une conclusion connue de tous. Non nova, sed nove. Tout cela mérite-t-il d’être appelé «postmoderne» ? Laissons au lecteur le soin d’en juger.
Christophe Colera ( Mis en ligne le 19/05/2008 ) Imprimer | | |