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Les aventures singulières de G-A Goldschmidt | | | Georges-Arthur Goldschmidt Un enfant aux cheveux gris - Conversation avec François Dufay CNRS éditions 2008 / 15 € - 98.25 ffr. / 121 pages ISBN : 978-2-271-06649-7 FORMAT : 14cm x 22cm
L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française (PhD). Professeur de Lettres Modernes, il est aussi membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS) et auteur, chez lHarmattan, de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007). Il a cofondé le site de ressources consacré à Hervé Guibert : http://herveguibert.net. Imprimer
Georges-Arthur Goldschmidt est un écrivain discret, si discret que le co-auteur des «conversations» ici réunies, François Dufay, avoue lui-même, dès lavant-propos, être longtemps passé à côté de son uvre.
Considéré comme lun des meilleurs traducteurs de lallemand de notre époque (traductions de Nietzsche, Kafka, Stifter, Handke
), essayiste (études sur Rousseau, Molière, Freud, Kafka), Georges-Arthur Goldschmidt est aussi lauteur dune uvre romanesque fascinante que le présent ouvrage appelle à découvrir et à explorer. Ces entretiens nous amènent à suivre le parcours de cet «enfant aux cheveux gris», expression par laquelle Hölderlin définissait le poète, et à refaire avec lui sa «traversée des fleuves», pour reprendre le titre de son autobiographie publiée au seuil, en 1999. Car né en Allemagne en 1928, «juif non juif», cest-à-dire ne le sachant pas, G-A Goldschmidt, partant des bords de lElbe, franchira le Rhin pour arriver à la Seine.
Sont évoquées ici les premières années de son enfance en Allemagne, son arrivée, pour fuir le nazisme, dans un pensionnat catholique de Haute-Savoie où il fera ses premières expériences toutes rousseauistes de la volupté et de lérotisme. La lecture des Confessions aura alors une place particulière dans la formation intellectuelle mais aussi sensuelle de lécrivain. «Quand la directrice [du pensionnat] me donnait la fessée, je pleurais, jétais dans un état de honte inexprimable. Il a fallu que je tombe, à ma stupéfaction, sur un passage du premier livre des Confessions [
], celui où Mlle Lambercier fesse Jean-Jacques, pour que tout change, séclaire. [
] Jean-Jacques me parut être mon double.»
Cet itinéraire met aussi à jour ce que G-A Goldschmidt a nommé, lors dune récente décade de Cerisy sur lautofiction (Juillet 2008), sa «faille fondatrice», ses failles fondatrices pourrait-on dire, celles de ses origines allemandes et juives, de son «indigne condition dorphelin superflu, qui naurait pas dû exister, de resquilleur du destin», dun «état de faute sans culpabilité». Cette «faille» se situe aussi au cur de la langue, celle de lécrivain, du traducteur : la langue maternelle est aussi la langue du nazisme.
On notera dautre part la présence de très beaux propos sur lécriture, sur les raisons pour lesquelles on écrit, sur la traduction («le traducteur est un écrivain qui a la chance de ne pas chercher ce quil a à dire»), sur la langue, sur la philosophie allemande quil connaît parfaitement et dont il parle de manière simple et intelligente. G-A Goldschmidt se raconte ici, comme il le fait dailleurs dans la plupart de ses textes autobiographiques et autofictionnels, avec une fraîcheur et une humilité rares, avec humour et finesse. On ne peut quêtre reconnaissant à légard de François Dufay davoir ainsi donné la parole à cet «enfant aux cheveux gris». Car cette parole ne peut nous mener que là où, finalement, tout se joue : son écriture.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 26/08/2008 ) Imprimer
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