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Articles, critiques, chroniques…
Remy de Gourmont   La Culture des idées
Robert Laffont - Bouquins 2008 /  30 € - 196.5 ffr. / 1102 pages
ISBN : 978-2-221-10396-8
FORMAT : 13cm x 20cm

Préface de Charles Dantzig.

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

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«La bêtise humaine est la seule chose qui donne une idée de l’infini» (Ernest Renan).

Qu’il est bon de retrouver Remy de Gourmont (1858-1915) après un siècle de silence littéraire des plus scandaleux. Car de Gourmont c’est avant tout un tempérament : un homme solitaire, indépendant, libre, terriblement fin, férocement intelligent et grand passionné des lettres, des arts et des gens. Rendons grâce à Charles Dantzig, spécialiste de l’écrivain, auteur d’un très bon essai, Remy de Gourmont, Cher Vieux Daim ! qui ressort ces temps-ci, qui signe la préface de l’ouvrage regroupant tous les essais du premier symboliste français. De Gourmont en 1000 pages, c’est avant tout une écriture efficace et limpide qui parcourt 25 ans du paysage culturel et politique français, avec à chaque fois une volonté de se démarquer de ses contemporains tout en louant les grands génies de son temps.

En chroniqueur subtil et percutant, il aborde toute une palette de sujets aussi divers que la sexualité des insectes, la mélancolie de Leopardi, l’affaire Dreyfus, l’art de vivre des anciens, la bêtise des journalistes, la culture de masse, la réforme de l’orthographe, le capitalisme, la linguistique, la philosophie kantienne, l’actualité littéraire, Sainte-Beuve, etc. On peut y piocher ce que l’on désire pour s’approprier une époque déjà lointaine et pourtant si proche de la nôtre ; car à lire certains textes de de Gourmont, on voit bien que la bêtise des dirigeants, des pouvoirs, des lobbies ou encore de certains travaux littéraires est universelle et demeurait de la même manière il y a plus d’un siècle. On le savait mais il est bon de relire Gourmont pour s’en assurer et voir comment un tel esprit devait supporter les bassesses de son temps, et qui demeurent inchangées aujourd’hui. De Gourmont analyse, critique, rend compte en fait de ce qu’a été sa modernité, sur laquelle s’est établie, et avec quelle tristesse, notre époque actuelle. Les similitudes avec aujourd'hui sont extrêmement fortes malgré le siècle qui nous en sépare.

Comme tout bon écrivain, Remy de Gourmont est une sorte d’accompagnateur magnifique, avec qui se balader sur des thèmes universels ou plus spécifiques transcende la simple lecture. On ne lit pas de Gourmont, on se promène avec lui tant son style est un savoureux mélange de grâce, de hauteur et en même temps de simplicité et d’intimité avec le lecteur. Pas de grandiloquence ou d’artifice avec lui ; aller à l’essentiel tout en montrant une panoplie d’expressions imagées, telle semble être sa démarche. A partir de ce postulat, on peut aller partout et même s’intéresser à ce curieux essai, Physique de l’amour (1903) qui relate les formes diverses que prend la sexualité des animaux et qu’il étudie avec la minutie d’un chercheur en biologie. C'est ardu, certes, mais tellement passionnant d’approcher un de Gourmont proche d’un scientifique tout en accomplissant un travail littéraire unique.

Gourmont a consacré sa vie à l'écriture. De La Culture des idées (1900), son premier essai, à Pendant la guerre (1916), en passant par les célèbres Promenades philosophiques, la matière littéraire est bien là, variée, diverse, toujours lucide sans pour autant tomber dans la théorie, la lourdeur et la morale. On devine à ces lectures que de Gourmont, malgré ses problèmes de santé inquiétants, aimait la vie car ses textes sont baignés d’un humour caustique souvent savoureux dont l’intérêt est de montrer sa réelle indépendance face aux événements mesquins ou tragiques de l’Histoire.

Difficile de résumer une œuvre aussi riche et variée. Mais pour faire simple, disons que De Gourmont est l’auteur sceptique par excellence. Durant l’affaire Dreyfus, quand deux camps identiques s'entretuent pour abattre ou sauver l’officier, De Gourmont, en deux ou trois articles bien pensés, dresse le portrait d’une époque, suspend les commentaires idéologiques et apporte sa contribution philosophique à la polémique. Il est du côté des Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans ou Barbey d’Aurevilly et méprise Zola ; on comprend aisément pourquoi Zola ne pouvait rentrer dans le schéma sceptique de l’écrivain. On lui pardonne d’appartenir à une famille de pensée malgré son indépendance, surtout que le Symbolisme ne revient quasiment jamais dans ses articles, ses fiches de lectures ou ses critiques littéraires.

Parallèlement, il fonde Le Mercure de France en devenant involontairement le chef de file du mouvement symboliste, mais l’une des rares définitions que l’on trouve dans l’ouvrage montre à quel point De Gourmont était avant tout un écrivain solitaire, loin des spirales des écoles littéraires ; il affirme ainsi dans Le Chemin de velours que le symbolisme s’appuie avant tout sur la liberté de ton. «L’Idéalisme signifie libre et personnel développement de l’individu intellectuel dans la série intellectuelle ; le Symbolisme pourra (et même devra) être considéré par nous comme le libre et personnel développement de l’individu esthétique dans la série esthétique, et les symboles qu’il imaginera ou qu’il expliquera seront imaginés et expliqués selon la conception spéciale du monde morphologiquement possible à chaque cerveau symbolisateur»(p.235)

Réunir les conceptions philosophiques, scientifiques et littéraires d’un auteur injustement boudé permettra aux plus curieux de jeter un œil sur la prose gourmontesque ! Il y verra que l’écrivain a été le subtil intercesseur entre «l’impasse du naturalisme» que souligna Huysmans en 1903 et l’ère de la modernité avec l’arrivée de talents comme Jarry ou même Gide. Il sera de même un découvreur attentif de penseurs et d’écrivains, et apportera sa contribution à ce début de siècle tiraillé par de nombreux courants littéraires. Et puisque tout bon lecteur est un insatisfait chronique, il réclamera à présent les œuvres romanesques complètes de ce grand écrivain français.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 03/09/2008 )
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