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Littérature  ->  Poésie & théâtre  
 

Brook, le chercheur insatiable
Mickael Kustow   Peter Brook - Une biographie
Seuil 2006 /  35 € - 229.25 ffr. / 416 pages
ISBN : 2-02-059018-2
FORMAT : 14,0cm x 20,5cm
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Ami de longue date de Peter Brook, Michael Kustow nous propose de cheminer avec lui de la naissance de Peter Brook (en 1925) à aujourd’hui, en prenant comme ligne directrice les créations théâtrales ou cinématographiques de l’artiste.

Commençant par retracer les premières années anglaises de Peter Brook, issu d’une famille d’émigrés juifs originaires de Lettonie, il met en évidence le rôle important du père de l’artiste, qui a toujours soutenu et encouragé son fils. Après quelques démêlés avec les institutions scolaires britanniques dont la rigidité lui laisse un bien mauvais souvenir, Peter Brook se lance très vite dans la mise en scène de spectacles. Il se fait peu à peu connaître, liant des amitiés durables avec des acteurs, écrivains ou producteurs dont certains lui restent encore aujourd’hui attachés.

Après trois ans de recherches, de discussions avec Peter Brook ainsi qu’avec les amis et collaborateurs de l’artiste, Michael Kustow nous livre le résultat de ses travaux. Il a choisi de procéder chronologiquement, spectacle par spectacle, en expliquant à chaque fois la genèse de l’œuvre, le choix des collaborateurs (acteurs, traducteurs, assistants, producteurs, …), le travail préparatoire à la mise en scène, le déroulement des répétitions, la réaction du public et de la critique. De la longue liste de spectacle ou de films créés par Peter Brook se dégage la fascination du metteur en scène pour Shakespeare, laquelle est d’ailleurs expliquée par Brook lui-même dans son ouvrage Avec Shakespeare. On ne compte plus les films ou mises en scène de pièces de Shakespeare, Peter Brook travaillant parfois plusieurs fois sur la même pièce à quelques années d’intervalle.

Parmi les nombreuses créations du metteur en scène, il faut souligner l’expérience du théâtre factuel, des créations inspirées de l’actualité la plus brûlante. Le travail effectué en 1966-67 sur la guerre du Vietnam, qui prend la forme de la pièce US (montée à la Royal Shakespeare Company, donc sur des fonds publics) et du film Tell me lies, en est un bon exemple.

Ce que l’on retient souvent du personnage est la fondation de sa troupe multiethnique et son goût pour l’exploration de cultures autres que la sienne. En effet, après avoir monté toutes sortes de textes classiques ou contemporains issus de la culture occidentale, Peter Brook se tourne vers des cultures méconnues en Occident. Il entraîne sa troupe dans de grands voyages (en Iran, en Afrique) qui sont autant d’occasions d’observer les cultures (théâtrales notamment) locales, mais aussi de tenter des expériences avec les acteurs étrangers rencontrés. C’est après ces voyages qu’il se fixe en 1974 aux Bouffes du Nord, théâtre alors à l’abandon que lui a trouvé sa nouvelle productrice, Micheline Rozan. Vivant de subventions, il y monte des spectacles à un rythme toujours soutenu. La liste est bien longue, mais il faut revenir un instant sur Le Mahābhārata, ce long poème en sanscrit, écrit il y a plus de 2000 ans, récit des origines comparable à l’Odyssée (et quinze fois plus long que la Bible). Peter Brook a demandé à Jean-Claude Carrière de l’adapter pour en faire un spectacle de douze heures qui a fait date en 1985 au festival d’Avignon.

L’auteur fait également allusion au mouvement spirituel dont Peter Brook s’est rapproché. Il s’agit d’un mouvement inspiré d’un Russe, Gurdjieff, et dont Peter Brook a rencontré des adeptes. Cela semble être un aspect important de la vie et e l’œuvre de l’artiste, mais la nature de ce mouvement et l’implication de Peter Brook restent, il faut bien le dire, assez mystérieux pour le non initié.

Cette biographie possède des qualités de clarté, probablement du fait de sa construction et de la régularité du schéma (genèse-spectacle-réception). Mais outre le fait qu’elle se complait parfois un peu trop dans le récit des bons mots des acteurs (difficile d’y résister quand on en a été le témoin direct, dira-t-on), elle reste avant tout l’œuvre d’un admirateur. L’empathie de l’auteur n’est pas toujours contrôlée : le premier chapitre nous indique que «Peter Brook est sans doute le plus grand metteur en scène vivant» et l’ouvrage se clôt sur l’excellence de son dernier spectacle, Tierno Bokar (Peter Brook, qu’il pensait bien connaître, a encore réussi à le surprendre…). On l’aura compris, il manque à cette biographie un peu de recul, l’objectivité d’un œil un peu moins complaisant. On lui reprochera peut-être aussi de rester trop près des spectacles, de ne pas s’en dégager pour essayer de mener une réflexion plus globale sur l’œuvre de Brook. Significativement, il ne parle presque pas des ouvrages de théorie écrits par Brook, se contentant de les citer. L’ouvrage n’en demeure pas moins instructif et intéressant.


Cécile Obligi
( Mis en ligne le 25/09/2006 )
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