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Littérature  ->  Poésie & théâtre  
 

Du coaching au scratching
Patrick Bouvet   Canons
L'Olivier 2007 /  12 € - 78.6 ffr. / 94 pages
ISBN : 978-2-87929-571-8
FORMAT : 13,5cm x 18,5cm
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Sur le site d’Inventaire-invention, maison qui a publié d’autres ouvrages de lui et garde la trace de certains de ses textes, Patrick Bouvet se présente lui-même de la manière suivante : «P.B. est né en 1962/P.B. a vu beaucoup d'images/Hiroshima/Auschwitz/Apollo XI/des publicités pour des lessives/des avions furtifs dans le Golfe/les derniers Jeux Olympiques du millénaire. P.B. regarde les images, écoute les commentaires/P.B. joue son rôle d'occidental/P.B. est assis»

Ces images télescopées le conduisent à l’écriture comme l’ont fait le sampling et le collage musical. Après In situ en 1999, Shot en 2000, Direct en 2002 et Chaos Boy en 2004, il publie cette année, de nouveau aux éditions de l’Olivier, Canons. La quatrième de couverture évoque le goût de l’auteur pour les télescopages, mais ceux-ci procèdent d’un sens aigu du montage et de la mise en page. Une colonne à gauche, puis une à droite, à gauche à nouveau et à droite, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’au centre apparaisse (p.61) une colonne dont la forme évoque une silhouette féminine aux hanches de star des années cinquante. On finira avec la colonne de droite. Au centre, on dit «je», à gauche c’est «vous», à droite «elle». La quatrième de couverture nous explique (et nous comprenons que ce serait donc de gauche à droite) que nous aurions affaire à une lectrice de magazines, à une jeune starlette et à une performeuse féministe : «trois femmes aux prises avec les canons de la beauté».

Et en effet la destinataire de la colonne de gauche paraît subir l’avalanche de constats compatissants et de conseils contradictoires et toujours plus experts que l’on peut lire dans les magazines féminins, sur le mode : "tout repose sur vos épaules lasses, réagissez, détendez-vous, maîtrisez-vous, ouvrez-vous, dominez !" ad nauseam, l’apostrophe se faisant impérative et l’accumulation de syntagmes courts tournant à l’accéléré burlesque. Ainsi une «nouvelle formule/high tech/qui pénètre le derme sans laisser de trace/un voile de protection/carrément bluffant/à essayer d’urgence» apparaît à la page 16 et se transforme deux pages plus loin en une séquence reprenant elle-même nombre de bouts de syntagmes charriés depuis le début : «vous vous mettez/à quatre pattes/mais vous n’êtes jamais prise/par les autres/vous êtes toujours frappée/ça pénètre/le cœur/ça pénètre l’intérieur/c’est carrément bluffant/mais/vous avez toujours/votre voile». Le procédé n’est pas difficile, mais l’effet est garanti : l’absurdité et la violence des discours que l’on écoute à peine, tant ils sont devenus de simples collages de formules convenues, prennent du relief du fait de ce nouveau collage/décollage dont le but n’est plus la persuasion mais au contraire la déconstruction.

La mise en page renforce encore le télescopage : le discours de performance de la colonne de gauche est contrebalancé par le discours de la performeuse de la colonne de droite. Le «coaching» devient «scratching» de cris, hurlements et postures pornographiques ou gore. À la volonté de réussite sociale qui suppose des lissages et des gommages de tous ordres se juxtapose une entreprise délibérée d’exhibition, de provocation et de sabordage : «à la question/« quels sont vos projets ? »/elle répond/ « infiltrations/ sabotages/ détournements »/huées» (p.91). Puis au cœur du dispositif, le corps de la starlette : un corps assumé comme pure apparence, choisi «pour incarner l’image de la beauté/de l’élégance» (p.62). C’est ce corps et cette colonne au centre qui disent «je» et l’effet de vide n’en est que plus vertigineux, car ce sujet est sans contenu, «un rôle» (p.61), un manège de postures attendues qui tournent toutes autour du glamour (pp. 64-65), c’est-à-dire autour de la séduction, c'est-à-dire autour de regards détournés : au centre de Canons, un sujet excentré dans un corps surexposé, dans un corps explosé :

«j’adore
mon corps
de petite fille
sur les plateaux
j’adore
ce corps
qui tourne
cela n’a pas de prix
un corps
qui change
le temps
en espace
j’adore»

(pp.65-66)


Alain Romestaing
( Mis en ligne le 09/05/2007 )
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