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Littérature -> Poésie & théâtre |
| Olivier Balazuc Le Génie des bois - Suivi de Les Commensaux Actes Sud - Actes Sud - Papiers 2007 / 14 € - 91.7 ffr. / 85 pages ISBN : 978-2-7427-7101-1 FORMAT : 15,0cm x 20,5cm Imprimer
Le Génie des bois est une pièce qui aborde de front un double problème, celui de la théorie théâtrale dune part et de la politique culturelle actuelle dautre part. Un acteur, affublé du nom de Génie des bois, quitte un théâtre où on lattend pour jouer. Il se préparait à jouer pour la dernière fois un personnage mais renonce et se réfugie dans une forêt proche, au sein de la nature même, pour réfléchir sur son statut dacteur et méditer sur le silence (Silence qui soppose au brouhaha culturel qui le fait fuir.). Là, il rencontre trois personnes, un autre acteur, une «communicante» rattachée au théâtre et un politique, qui à leur façon, tentent de le persuader de revenir jouer. Lennui, cest que leurs arguments sont proprement dépoque et nont rien à voir avec le statut du comédien.
Ici lart soppose à la culture, le réel au symbolique. Le génie sapitoie sur ce que la modernité a fait de lart, et la politique de la culture. Et chacun à son tour, les deux employés vont déployer un discours purement idéologique, en pure conformité avec le politiquement correct qui gouverne la culture aujourdhui. Le personnage de la présidente de lamicale est une espèce de folle obsédée par son corps, lartifice, la mode et la culture façon «Mairie de Paris», cest-à-dire du communicationnel où lart nest plus quune façon de consommer différemment et de manière festive. Lattaché culturel, lui, sannonce sous les meilleurs hospices mais il est très vite rattrapé par son statut de politicard véreux qui maîtrise lart de la rhétorique, du «léchage de bottes» et de lhypocrisie la plus totale. Dailleurs, ces deux personnages grotesques vont finir par se perdre dans la forêt, élément qui à leurs yeux na plus de sens et qui leur est hostile !
Même si parfois la démonstration parait un peu trop théorique, cette courte pièce pose les enjeux actuels auxquels sont confrontés auteurs et acteurs. Léclatement du récit, des structures fondatrices du théâtre, le modernisme à tout prix, la disparition du personnage nont pas les faveurs du dramaturge qui ridiculise dans une scène assez drôle, les tentatives décriture de Deluxe, lattaché culturel pris en flagrant délit de post-modernisme ridicule. Doù le retour de lacteur à un état originel du théâtre, où le réel des situations lemporte sur le symbolisme primaire ou la virtualité artistique.
La seconde pièce, Les Commensaux, met en scène en quatre parties (on ne parle ici ni dacte, ni de scène), les relations de plus en plus tendues qui sexpriment entre plusieurs personnes conviées à lenterrement d'une grand-mère, la mère dun certain Jérôme, personnage central de luvre. Le titre, acerbe et sans concessions lorsquon sintéresse aux définitions que le terme peut prendre, annonce les non-dits tout dabord, ensuite les révélations jamais tendres quune telle réunion familiale permet de dévoiler au grand jour, notamment lors du repas traditionnel où tout le monde est convié après la cérémonie. Si certains restent lucides sur les grandes questions que peut amener la disparition dun proche (qui plus est dun parent), dautres vident leur sac, et les problèmes (toujours triviaux face à la mort et à ses douloureux mystères) sous-jacents qui alimentent depuis des années les consciences sont révélés. Discussions, questionnements permanents, coups bas, esclandres, incompréhensions, mépris, tout ou presque y passe dans un style jamais complaisant, touchant souvent le nud du problème. Seul Jérôme, comédien fragile, en sort grandi, notamment au contact dun enfant qui comprend au fond ses douleurs. Tensions familiales classiques à la mort dun parent où problème de successions, de vente, conflits personnels viennent sassocier au souvenir esquinté que le défunt laisse derrière lui.
Balazuc nous propose donc deux piécettes, aux sujets assez lointains, écrites avec un certain brio. Quelques tirades se lisent avec un certain plaisir car lon ny sent jamais demphase, mais une sincérité et une vision personnelle. Lon y voit des personnages égocentriques enlisés dans lartifice de leur vie qui font de grands discours, mais qui perdent de plus en plus le contact avec la réalité en passant le plus souvent à côté des vrais problèmes existentiels. Une famille est réunie pour un enterrement, et la mémoire de la grand-mère nest quasiment jamais évoquée. On ne parle que du départ de lun, ou de labsence de lautre, jamais ce pour quoi ces personnes sont conviées. Seul Jérôme, toujours en retrait des conflits et en plein regret de navoir su vraiment sintéresser à sa mère, en prend finalement conscience. Mais il est trop tard.
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 23/10/2007 ) Imprimer | | |
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