| Philip Roth Némésis
Gallimard - Du Monde Entier 2012 / 18,90 € - 123.8 ffr. / 225 pages
ISBN : 978-2-07-012720-7
FORMAT : 15,0 cm × 20,5 cm
Marie-Claire Pasquier (Traducteur)
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Roman éponyme de la série de courts ouvrages récemment publiés par le prolifique et génial auteur américain, Némésis creuse la thématique qui obsède Philip Roth depuis quelque temps : l'irrémédiable détérioration du corps. Le vieillissement portait fabuleusement le thème, et des romans comme La Bête qui meurt, La Contrevie, Un homme, Exit le Fantôme et Le Rabaissement l'incarnent avec splendeur. Une beauté triste, dure, mais beauté quand même (quand on écrit bien et si juste, tout est beau, joyeux presque).
C'est la maladie, sa loterie, son insoutenable injustice, qui trace et creuse encore ici le sillon : la poliomyélite au temps où elle constituait un danger mortel. Nous sommes à Weequahik, banlieue proche de Newark, banlieue proche de New-York, en 1944. L'été s'installe et avec lui la maladie frappant la jeunesse. Plus fort que d'habitude, des airs d'épidémie rappelant celle de 1916 alors que les cas se multiplient autour d'un terrain de sport tenu par Mr Cantor, 23 ans. Un modèle, certes exempté de combat (ses amis, valides, sont en Normandie, et il les envie) à cause d'une forte myopie, mais une figure tutélaire auprès de ces jeunes pour qui il incarne la dignité et la santé mêmes.
Pourtant, malgré sa vigilance, malgré les précautions, les cas se multiplient et la psychose gronde. La faute au marchand de glace ? Au soleil ? Aux mouches ? Ou bien ces Italiens venus provoquer ce quartier juif et venant cracher sur le bitume ? Les premières morts déchaînent les passions. Bucky Cantor reste fort, va saluer les parents en deuil, et résiste aux appels de sa fiancée qui lexhorte à la rejoigne dans un camp de vacances, à la montagne, au frais, à labri de la maladie anthropophage. Que faire ?...
Sur une intrigue finalement assez hitchcokienne, Philip Roth plante l'itinéraire tragique de ce jeune moniteur de sport, l'impossibilité de ses choix, la vanité de ses blasphèmes (comment comprendre un Dieu venu ainsi faucher la jeunesse ?). Intelligemment, Roth ne fait par contre pas questionner tant que cela par Cantor les milliers de jeunesses arrêtées par l'horreur des combats en Europe et la machine nazie. Juif et Américain, homme aux valeurs très viriles (responsable, digne, fier même), Bucky sait les vertus d'un tel sacrifice, à la fois patriotique et porté par des idéaux nobles. A moins que, jeune, si jeune, il ne voit pas plus loin que son nez et réduise ses analyses, sa fureur contre un Dieu menteur et aveugle, à l'ici et au présent d'une jeunesse américaine exposée. Ce n'est d'ailleurs qu'en apprenant la mort de l'un de ses amis au front, qu'il réalise plus précisément l'acuité de cet autre horizon là. Le dénouement du roman laisse entendre aussi cela. Les choix de Cantor ont-ils été les bons ?...
La loi humaine, physique, divine peut-être, réduisant tout être finalement à peu de chose confirmera-t-elle que nous avons là le dernier roman de l'écrivain octogénaire ? Roth le laisse entendre. Il confesse aussi souvent que l'écriture fait sa vie, qu'il ne peut s'empêcher d'écrire. Alors, on espère...
Thomas Roman
( Mis en ligne le 05/11/2012 )
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