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Littérature -> Littérature Américaine |
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Une Histoire des origines | | | Christina Baker Kline Le Train des orphelins Belfond 2015 / 20,5 € - 134.28 ffr. / 340 pages ISBN : 978-2-7144-5721-9 FORMAT : 14,1 cm × 22,6 cm
Carla Lavaste (Traduction) Imprimer
Dans lEtat du Maine, en 2011, une amitié improbable va lier Molly, une jeune adolescente dorigine amérindienne habituée des foyers daccueils, et Vivian, une vieille dame riche et veuve. Lauteure, Christina Baker Kline, nous transporte du New York misérable des immigrés irlandais daprès le krach boursier à lépoque contemporaine, dans un va-et-vient qui lui sert à dévoiler par petites touches la vie de ses deux personnages quà priori tout oppose.
Mais en apparence seulement, car Molly et Vivian vont se reconnaître lune en lautre et cette rencontre va entrouvrir la porte des souvenirs douloureux à quatre-vingt ans décart : ceux de labandon, de lexil, de la solitude et dune identité culturelle bafouée. La famille de Vivian, chassée dIrlande par la misère et lespoir dune vie meilleure, accoste à Ellis Island pour ny trouver que pauvreté, mépris et perte des illusions. Un tragique incendie prive la petite fille de la presque totalité de sa famille. Orpheline, elle est alors secourue par la Société dAide aux Enfants («Childrens Aid Society»), une société de bienfaisance qui, pour soulager les orphelinats surpeuplés et vider les rues de New York des enfants qui y vivent, organise des convois en partance vers le Midwest : ce quon a appelé «les trains des orphelins».
Vivian, qui sappelait encore à lépoque Niamh Power, quitte New York dans lun de ces trains qui conduisent les enfants de gare en gare, vers des familles daccueil qui, dans le meilleur des cas, souhaitent adopter un enfant mais qui, parfois, ne cherchent quune main duvre à bon marché : «Personne ne me plaint davoir perdu ma famille. Chacun dentre nous a vécu une histoire triste. Autrement nous ne serions pas ici. En général nous préférons ne pas évoquer notre passé, conscients du fait que seul loubli peut apaiser notre peine. Lassociation elle-même nous traite comme si nous venions de naître, comme si nous étions des insectes qui, ayant brisé leur cocon, ont laissé leur passé derrière eux, et par la grâce de Dieu, sapprêtent à entamer une nouvelle vie».
Dans chacune des gares, des affiches indiquent larrivée des enfants et ceux-ci sont alors présentés sur une estrade à leurs futurs familles. Cette scène se répète de gare en gare, prenant parfois lallure dun marché aux bestiaux jusquà ce que tous les enfants soient adoptés. Niahm, au prénom trop irlandais, sera rebaptisée Dorothy et exploitée jusqu'à son adoption par une famille chaleureuse qui la renomme Vivian en souvenir de leur fille disparue.
Lintérêt de ce roman est de nous révéler de manière sensible, sous les mots mêmes de Vivian, cette partie méconnue de lHistoire américaine où près de 250000 enfants ont été déplacés entre 1854 et 1929. Si certains enfants ont subi des sévices, ou se sont retrouvés dans des réseaux de prostitution, il semble que beaucoup ont eu droit à une deuxième chance et sont reconnaissants davoir été pris en charge par la «Société dAide aux Enfants». Lidée de ce roman est née de lexpérience du grand-père du mari de lauteure.
Christina Baker Kline a choisi de réunir deux personnages laissés pour compte de la société américaine : Vivian lorpheline irlandaise du train, et Molly, de descendance indienne penobscott. Molly apprend à être fière de son héritage en étudiant lhistoire de son peuple et surtout celle des femmes de sa tribu, telle la célèbre Molly Molasses. Vivian na jamais abandonné ses racines gaéliques. Ces deux expériences (familles daccueil, rejet, prise de conscience, espérance) se font écho dans la lutte difficile pour une identité à la fois culturelle et personnelle.
Le Train des orphelins est le cinquième roman de Christina Baker Kline. Il a été primé par le New York Times ; cest le premier roman de cette auteure traduit en français.
Sylvie Koneski ( Mis en ligne le 08/01/2016 ) Imprimer | | |
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