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Littérature -> Entretiens |
| Alain Veinstein La Partition - Interview d’Alain Veinstein Gallimard - Folio 2006 / 5.90 € - 38.65 ffr. / 261 pages ISBN : 2-07-030796-4 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en septembre 2004 (Grasset). Imprimer
La Partition dAlain Veinstein est une longue lettre damour adressée à une femme aimée à la suite dune rupture amoureuse. Le narrateur cherche à comprendre les causes du mal dont il souffre. Il décide de retrouver son père qui la abandonné à la suite dune aventure sans lendemain avec sa mère devenue alcoolique, de le démasquer, de labattre. Il sintroduit par effraction dans sa maison, se cache dans le grenier, observe par une lucarne, des fentes, des conduits, les faits et gestes du «tueur» et de sa compagne, Betty La Mauvaise. Peu à peu, la haine, la rage, la fureur se transforment en curiosité, en intérêt, en amour. Pourquoi Samuel Wallasky ne donne-t-il plus de concert ? «Que sest-il passé entre son piano et lui ?» Pour qui joue-t-il seul, pendant des heures ?
La Partition se lit comme un roman à suspense qui progresse par petites touches. Les personnages évoluent jusquà la découverte par le fils que «le monstre est un tout petit bonhomme». Une bouleversante quête du père où «la musique fait vibrer un lien en nous, qui nous unit comme un lien de sang».
Parutions.com : Vous êtes éditeur, producteur à France Culture, peintre, êtes-vous également musicien pour que la musique tienne autant de place dans votre roman?
Alain Veinstein : Je fus peintre dans ma jeunesse. Dans les années 90, jai tenu une galerie dart contemporain. Aujourdhui, je présente Du jour au lendemain et produis Surpris par la nuit. Musicien ? Pas du tout. Jai imaginé un personnage de pianiste en écoutant du piano au festival de la Roque dAnthéron. Pénétré par la musique, je me mets à écrire, en silence.
Parutions.com : Dans quel état desprit avez-vous écrit La Partition ?
Alain Veinstein : Jessaye de créer en moi une espèce de guerre froide, déquilibre entre langoisse et lamour ; aucun des deux ne lemporte.
Parutions.com : Portiez-vous ce projet en vous depuis longtemps ?
Alain Veinstein : Jai mis cinq ans à lécrire. Après la mort de mon père, jai réalisé que nous étions restés des inconnus lun pour lautre. Jai donc imaginé un père que son fils finirait par voir, par comprendre sans paroles, uniquement par un regard, par le langage de la musique.
Parutions.com : Pourquoi ce fils hait-il son père ?
Alain Veinstein : Parce quil est né dune aventure sans lendemain, quil ne sait de lui que ce que sa mère a bien voulu lui en dire et quil considère cet abandon comme un crime. En psychanalyse, la partition, cest aussi la rupture avec lorigine.
Parutions.com : Quel est le révélateur qui va le pousser à connaître la vérité ? Comment ses sentiments vont-ils lentement sinverser ?
Alain Veinstein : La femme quil aime la quitté sous prétexte quil y avait trop de noirceur en lui. Dans sa vie, tout échoue : le violon, lamour, les livres. Il veut être un autre. Pour la retrouver, il lui écrit une longue lettre damour. Il sattaque à la cause de son mal être et, en y réfléchissant, il découvre que cest son père. Pour lui, il ny a pas dautre issue que leffraction, la clandestinité. Caché dans le grenier de la maison paternelle, il observe et, progressivement, sa rage se transforme en curiosité, en intérêt, en amour. Celui quil considérait comme le dernier des hommes devient le premier. On bascule du côté éclairé, celui de la vérité des êtres.
Parutions.com : Doù vous vient ce sens aigu de lobservation et de la psychologie ?
Alain Veinstein : Je me suis rendu compte que je passais en permanence à côté de ceux qui me sont les plus proches. Ils ont leur part de mystère et moi, ma part de cécité.
Parutions.com : Quels aspects de votre vie privée avez-vous mis dans La Partition ?
Alain Veinstein : Dans mes précédents romans, je partais de mon expérience de père, dhomme de radio, de galeriste. Dans celui-là, je me suis laissé porter par lémotion que me procure lidée de séparation. Je ne peux pas dire que le personnage du père soit inspiré du mien. Jai vraiment fait une fiction. Il ny a rien de vrai, mais jai tout vécu au fur et à mesure que jécrivais ce livre.
Parutions.com : Pensez-vous que ne pas connaître ses origines puisse rendre fou ?
Alain Veinstein : Il y a de la blessure partout. Ne pas connaître son père, cest être dans le noir. Mais le père souffre aussi ; il a abandonné la musique parce quil était rongé par le remords. Il ne joue du piano que quand il ny a personne pour lécouter.
Parutions.com : Quel rôle joue Betty la Mauvaise, la belle mère ?
Alain Veinstein : Elle tient ce pauvre homme sous son joug, ce qui suscite la compassion du narrateur. Elle apporte une note dhumour à son insu quand elle compose des couronnes mortuaires.
Parutions.com : Dans vos livres, la mort est souvent présente, pourquoi ?
Alain Veinstein : Depuis que je suis tout petit, je suis habité par cette hantise. Je suis né durant la Deuxième Guerre mondiale. Le lait que jai bu était de langoisse. Je la garde en moi définitivement.
Parutions.com : Quelle parenté établissez-vous entre le poète et le romancier ?
Alain Veinstein : Je ne fais pas de différence entre mes poèmes et mes romans. Pendant près de vingt ans, je nai publié que de la poésie. A partir du moment où jai touché au roman, jai été possédé par ça.
Parutions.com : Ecrire ce roman vous a-t-il changé ?
Alain Veinstein : Enormément. Ce fut une aventure très forte au point que je ne men suis pas remis. Je suis encore pris par mon histoire, par langoisse de mon personnage. Je transformais tout ce que je vivais, ce que jentendais, ce que je lisais pour nourrir ce livre qui, avec le temps, ma transmis son émotion.
Parutions.com : Que ressentez-vous maintenant que votre livre est en librairie ?
Alain Veinstein : De langoisse. Je me demande comment il va être reçu ? Que va-t-il devenir dans un monde où tant de livres sortent au même moment ? Lémotion que jai voulu faire percevoir va-t-elle être partagée ? Cela ne va-t-il pas mal finir ? Ce qui peut arriver de pire à un personnage, cest que son histoire passe par pertes et profits. Je souhaite que cet homme ait des lecteurs qui se reconnaissent en lui, mais sans doute faudrait-il un merveilleux hasard ou un miracle ! Peut-être que la fiction ma permis daller plus loin ou plus près dans cette relation que jessaie dapprocher entre mes personnages. Je le souhaite, mais je nen sais rien.
Parutions.com : Votre style est dune grande sobriété, avez-vous volontairement travaillé en ce sens ?
Alain Veinstein : Oui, jai cherché à être le plus simple possible, à employer les mots de tous les jours. Je voulais aussi faire parler le langage sans reculer devant les expressions toutes faites ou les lieux communs. Jai tenté de rendre lécriture musicale, un peu comme une fugue composée à partir dun thème récurent : le désir damour. Je crois que ce désir-là est plus fort que la rage ou la haine. Mon personnage est mal parti dans la vie ! Jai essayé de le comprendre, je me suis même amusé à créer un suspense à la manière dun roman policier. Mon intention est déveiller lattention - la tension - avec très peu de choses, des petits riens, et de la maintenir.
Parutions.com : Observer les autres à leur insu, nest-ce pas jouer avec le feu ?
Alain Veinstein : On pense dabord que, pour le narrateur, le danger est dêtre vu ; en fait, il craint de nêtre pas reconnu par son père. Mon livre finit bien. Il sachève sur un duo improvisé où, pour la première fois, le père et le fils jouent sur le même diapason. Cest à partir de cette scène de partage et de réconciliation que jai tout construit.
Propos recueillis par Emmanuelle de Boysson ( Mis en ligne le 18/09/2006 ) Imprimer | | |
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