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L’approche
Marie-Hélène Lafon   L’Annonce
Gallimard - Folio 2011 /  5.10 € - 33.41 ffr. / 152 pages
ISBN : 978-2-07-043770-2
FORMAT : 11cm x 18 cm

Première publication en septembre 2009 (Buchet Chastel)

L'auteur du compte rendu : Ancien élève de l’École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon, agrégé de Lettres Modernes, Fabien Gris est actuellement moniteur à l’Université de Saint-Etienne. Il prépare une thèse, sous la direction de Jean-Bernard Vray, sur l’imaginaire cinématographique dans le roman français contemporain.

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«Fridières, Cantal, pays très perdu, et possible». L’Annonce se passe en effet au cœur d’un lieu «très perdu», au beau milieu de l’Auvergne et de ses rudes hivers glaciaux et enneigés. Au lieu-dit Fridières habitent Paul, agriculteur quadragénaire, sa sœur Nicole, et leurs deux vieux oncles, cantaliens d’origine, longues silhouettes maigres, taiseuses et stoïques. Mais Paul ne veut pas finir célibataire comme beaucoup de ses voisins paysans. Il passe donc une annonce ; et le «possible» se réalise : Annette, de Bailleul, là-haut dans le lointain Nord, y répond. Débarquent donc à Fridières Annette et son fils d’une douzaine d’années, Eric.

L’Annonce est le récit d’une acclimatation, d’un apprivoisement progressif. Il faut laisser derrière soi la vie citadine, le «plat pays», le passé marqué par un compagnon alcoolique et délinquant. Il faut réussir à «prendre» (comme l’on dit qu’une plante «prend» ou non dans une terre) dans ce paysage brut et magnifique, dans ce milieu agricole si difficile, et surtout réussir à se faire accepter par les deux oncles et la «belle-sœur» Nicole, vieille fille un peu jalouse et un peu mesquine, grognant contre l’intrusion d’une deuxième femme sur «son» territoire. Il faut que naissent des sentiments, des affections, une compréhension mutuelle.

Présenté comme cela, on pourrait craindre que le livre soit une succession de cris, de larmes, de disputes violentes, ou bien un mauvais remake – auvergnat et sentimental – de Bienvenue chez les Ch’tis. Il n’en est rien : Marie-Hélène Lafon ne cherche pas la péripétie ni le coup d’éclat «romanesques», ni le régionalisme stéréotypé pour citadin en mal d’idée reçue. Son texte est une dense chronique qui s’attache à restituer avec une grande précision et une grande justesse les différents aspects de cette «approche» : la première rencontre à Nevers, à mi-chemin de Fridières et de Bailleul, l’arrivée du fils, le travail, la ferme, le paysage, les corps qui doivent s’apprivoiser et réapprendre chacun le contact et la douceur, le quotidien, les repas dominicaux avec les oncles et Nicole, le nouveau budget du ménage… L’écrivain se focalise sur l’infime et le non-dit, mais en leur arrachant précisément leur profonde signifiance : tel geste, tel objet posé là, telle attitude, tel rituel qui n’a l’air de rien (comme le trajet quotidien, codifié et sacré, dans la maison du journal La Montagne passant de mains en mains)…

L’écriture de Marie-Hélène Lafon est admirable : elle se caractérise par une acuité et une puissance stylistique peu communes. Les phrases, très rythmées et très travaillées, parfois volontairement rugueuses et heurtées, restituent admirablement ces différents tableaux et font sourdre de chaque événement une véritable puissance d’évocation ; elles encerclent, enveloppent, n’oublient rien, ajoutant volontiers là un adjectif, là une subordonnée, là un nom, afin que l’exhaustivité serve la justesse. La comparaison est facile et attendue, mais inscrivons-la néanmoins : L’Annonce rappelle, dans sa capacité à mêler douceur et rudesse, silence et explosion du sens, la splendide trilogie documentaire de Raymond Depardon, Profils paysans (dont – hasard ! – le dernier épisode, La Vie moderne, montre entre autres une situation similaire : un agriculteur se heurtant au scepticisme de ses deux vieux oncles après avoir fait venir une «étrangère» et sa fille dans la ferme familiale). Au-delà des différences de «médium», c’est la même humanité qui se dégage des deux œuvres, une même tendresse, une même attention aux choses, ainsi qu’un même humour (car il faut le noter : L’Annonce est aussi un livre drôle, à l’ironie tendre). Les mots de Marie-Hélène Lafon parviennent à recréer non des personnages et un décor, mais des personnes et des lieux, jusqu’à nous les rendre extrêmement familiers et attachants, sans mièvrerie.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 25/07/2011 )
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