| J. K. Rowling Une place à prendre Le Livre de Poche 2013 / 8,6 € - 56.33 ffr. / 790 pages ISBN : 978-2-253-17649-7 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en septembre 2012 (Grasset)
Pierre Demarty (Traducteur) Imprimer
Loin de Poudlard, il y a Pagford
et loin de la magie, il y a la réalité, triviale. La réalité, en loccurrence, cest la rupture danévrisme qui terrasse Barry Fairbrother, un soir, au restaurant. Barry Fairbrother est un notable, la quarantaine établie, membre du conseil de paroisse, époux et père modèle, etc. Un homme important, qui gère des affaires importantes, comme le club daviron de lécole publique, ou le destin dune cité des environs, ''Les Champs'', peu appréciée des «vrais» pagfordiens (?) pour son quota de cas sociaux et son centre de désintoxication. Mais voilà, Barry nest plus et passés la stupeur, la curiosité, la tristesse ou le soulagement qui suivent lannonce de sa mort, les langues se délient, les ambitions saiguisent, les rapports se tendent : la politique surgit autour dune question simple : Qui remplacera Barry ?
Clochemerle, cest le mot, le roman et la comparaison qui simpose immédiatement à lesprit : un Clochemerle anglais, contemporain, mais de la même eau, avec ses petites haines recuites, ses ambitions locales, ses règlements de comptes discrets, ses histoires damour et de désir, ses récits salaces, ses loosers et ses winners
Clochemerle-upon-Thame ? On quitte Hollywood et ses effets spéciaux pour un drame social traité sur le mode Danny Boyle. Car il y en a, du drame et du social, dans la galerie de portraits des personnages. Il y a Barry et sa famille, lépicier Mollyson et ses ambitions, Terri, la toxico et sa fille Krystal qui essaie, avec les moyens du bord, de sen sortir, Colin, le proviseur stressé du lycée et son fils, «Fats», si complexe, Kay lassistante sociale et Gavin, son amant démotivé, Simon, père violent et candidat peu scrupuleux, etc. Une galerie de portraits sans véritables héros, juste des personnages pas forcément sympathiques, mais humains, mus par diverses motivations et qui tentent, les uns les autres, de tirer leur épingle non du jeu, mais du cadavre de Barry.
Comment survivre à un best seller, et même pire, comment survivre à une série de best sellers, adaptés au cinéma, traduits dans tous les pays et qui sont devenus lune des références majeures de la littérature enfantine, adolescente et même adulte ? Comment survivre à la pression dune nouvelle histoire, de lattente du public ? Forcément, on attendait Joan K. Rowling au tournant et forcément, ce nest pas Harry Potter, ni de près, ni de loin
Forcément, certains seront peut-être déçus par un style plus adulte, des scènes plus crues, une intrigue plus sordide : les mêmes ne pardonneront pas à lauteur de ne pas les évader une nouvelle fois de leur réalité
Mais cest pourtant un roman sympathique, qui donne envie davancer, de tourner des pages et de savoir ce que vont devenir les uns et les autres. Pas dempathie avec les personnages, sans méchant absolu ni gentil manifeste : le plaisir est cette fois celui du voyeur, ou du thaumaturge qui surveille, de loin, sa création, un petit village et sa communauté. On rit noir, ou jaune, on plaint les uns, on comprend les autres, mais surtout, on observe, comme les cercles concentriques dune onde, les conséquences du décès de Barry.
Joan K. Rowling est un bon auteur, solide, qui sait raconter des histoires, donner de la consistance à ses personnages, et au final, installer le lecteur dans le récit. Passée une première partie à planter le décor en découvrant la galerie des villageois, par saynètes, on se prend au récit de ce bourg en révolution, et de ses «misérables petits tas de secrets» qui tout à coup se découvrent. Peut-être pas un grand roman, mais certainement un bon roman, plaisant et réussi.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 14/10/2013 ) Imprimer | | |