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Au cœur de l’empire…
Hisashi Inoue   Les 7 roses de Tokyo
Philippe Picquier - poche 2014 /  13 € - 85.15 ffr. / 976 pages
ISBN : 978-2-8097-1025-0
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Jacques Lalloz (Traducteur)
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Des récits de guerre, vue par un civil, il y en a beaucoup, notamment sous la forme de journaux : la fiction et l’authentique se mêlent avec aisance et en ce domaine la littérature donne de la consistance à des concepts complexes, comme cette «zone grise» des comportements en territoire occupé, entre opposition sourde, neutralisme et accommodement avec l’ennemi. Mais il faut bien le constater, c’est essentiellement le monde occidental qui est envisagé et la littérature asiatique, en ce domaine comme dans d’autres, a du mal à se frayer un passage jusqu’aux tables des libraires.

Aussi l’immense roman d’Inoue Hisachi, Les 7 roses de Tokyo, mérite-t’il largement le détour : non seulement parce qu’il s’agit de l’un des textes les plus riches, les plus ambitieux qui ait été publiés sur la guerre et la défaite vues par un Japonais, mais également parce qu’il comble quelque peu un manque, celui d’une littérature extra-européenne sur une guerre qui fut effectivement mondiale, et pas seulement occidentale.

Le roman est en fait un journal, tenu par Shinsuke Yamanaka, un fabricant d’éventail de la banlieue de Tokyo, reconverti dans le transport à l’aide d’un triporteur, puis, après une période de forteresse, dans la polycopie officielle. Le journal débute en avril 1945, dans un Japon où les raids de B29 s’intensifient, où les bombardements se font de plus en plus féroces, où l’Etat impérial est aux abois. Shinsuke, gentiment nationaliste, observe cette réalité en applaudissant au courage des kamikazes et en espérant dans une hypothétique victoire serinée par l’Etat-major…

Mais son quotidien est bien plus complexe. Il s’agit déjà de survivre aux bombardements, de faire vivre sa famille par un travail parfois risqué (le face-à-face avec une escadrille de B29 fait partie des aléas du métier), de la nourrir (la quête obsessionnelle de la nourriture et des ersatz), de prévoir le mariage de ses filles (et notamment de son aînée, Kinuko, avec un riche commerçant, Tadao Furukawa), de s’assurer de leur éducation (en un temps où les établissements scolaires sont fermés et où les élèves sont enrôlés dans l’industrie), de surveiller son fils.

Car le Tokyo de 1945 est une ville en tension : les milices patriotiques sont invitées à défendre, sans grand espoir, le territoire national d’une invasion, chacun épie ses voisins et les comités de quartier sont autant de censeurs et de délateurs en puissance. Et puis vient la défaite, vue de loin… Shinsuke, dénoncé comme défaitiste par un voisin jaloux, est en forteresse, et c’est dans un Japon occupé qu’il revient, pour faire face à l’occupant, ces Américains si généreux, si arrogants, si mal élevés… ces Américains dont les bombes ont tué sa fille adorée et qui restent l’Ennemi.

On retrouve dans ce roman l’ambiance chaotique de Mourir pour la patrie d’Akira Yoshimura (Actes sud, 2014)… mais tandis que le héros de ce roman est à Okinawa, plongé dans la guerre, celui des 7 roses de Tokyo vit dans un territoire à la fois frappé par la guerre et épargné par les combats. C’est le quotidien, dense, qui fait tout le charme de ce roman où l’on suit, heure par heure, la vie de Shinsuke, ses angoisses, ses calculs, sa découverte du marché noir, ses petites astuces et ses déboires, face à un monde plus fourbe et plus mesquin qu’il n’aurait cru.

L’écriture, très empathique, nous plonge au cœur de la guerre et de ses difficultés, et la belle traduction de Jacques Lalloz n’est pas pour peu dans le charme de ce texte plaisant, parfois drôle, parfois émouvant, toujours passionnant et enveloppant. Une lecture qui s’impose à tous les amateurs de littérature nippone, à tous ceux que la guerre mondiale intéresse et qu’un point de vue exotique et littéraire mobilise.

Une pépite.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 22/12/2014 )
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       de Akira Yoshimura
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