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Bovarysme brésilien
Paulo Coelho   Onze minutes
Le Livre de Poche 2005 /  6.50 € - 42.58 ffr. / 314 pages
ISBN :  2-253-11225-9
FORMAT : 11x18 cm

Première publication française : mai 2003 (Anne Carrière).
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Maria est une jeune Brésilienne portée par LE rêve : trouver le grand amour, rêve qu’elle double de la quête impossible d’un mystère (Paulo Coelho aime les mystères) : le sens caché de la sexualité, la sacralité de l’orgasme. Quelle piste plus appropriée pour une telle aventure que la prostitution ?…
Quittant son Nordeste natal pour des horizons plus alpins, la jeune femme troque les plages dorées de Rio pour les rives autrement glamour du Lac Léman. Là, dans un bar au nom évocateur de Copacabana, elle passe de l’autre côté du miroir, celui des sexualités conventionnelles qui l’ont déçue, et découvre l’univers étrange de pratiques à la marge, celles des nuits anonymes, des plaisirs lucratifs, des fantasmes interdits : l’expérience du sadomasochisme lui fait deviner la perte de contrôle et l’oubli de soi. Mais rien de tout cela ne répond à son attente et c’est dans les bras banals d’un jeune artiste qu’elle trouve un amour en lequel elle avait fini de croire…

«Malgré une apparente liberté, sa vie était une succession infinie d’heures passées à attendre un miracle, un véritable amour, une aventure avec cette fin romantique qu’elle avait toujours vue au cinéma et lue dans les livres», nous explique l’auteur. Cette Emma latine finit cependant par trouver gain de cause. Parce que Coelho est un auteur «gentil», sa protégée ne connaîtra pas le sort logique que lui destineraient ses illusions et sa condition, mais une fin tout hollywoodienne, hélas… Maria n’est pas Nana, mais une Pretty Woman un peu terne.

Paulo Coelho ménage en effet ses lecteurs (chez un auteur apparemment connaisseur hors pair des sensibilités féminines, doit-on dire «lectrices»?…). Il écrit avec la prudence d’un instituteur paternaliste, cherchant à éviter tout choc, toute interrogation. En préambule à une histoire abordant le sujet «délicat, dérangeant, choquant» de la prostitution, il prie implicitement son lecteur de ne pas lui en vouloir. De même, dans un des passages du journal de Marie, entrecoupant le récit, la jeune femme, réfléchissant «intensément» au pourquoi de la jouissance sexuelle, écrit, presque par repentir : «Je viens de relire ce que j’ai écrit : Dieu du ciel, comme je deviens intellectuelle !»

Cette écriture «à petits pas» finit par agacer. Il n’est jamais agréable en lisant d’être à ce point tenu par la main, sinon en laisse. Il en ressort cette impression désagréable que l’auteur ne fait pas confiance à son lecteur. Ici, pas question de style. Pas de métaphore ni de porte ouverte qui permettrait au lecteur de gambader librement sur les mots de l’écrivain. L’écriture est simple, fade : de la littérature en position missionnaire… Genève s’impose alors comme un cadre idéal, car il y a du calvinisme dans cette écriture sage et puritaine !
Le propos de l’auteur s’y dilue. On ne croit pas au destin de cette femme. A partir du fléau social et du stéréotype éculé de la prostitution brésilienne, Paulo Coelho construit une historiette, une histoire d’amour des plus banales. La dénonciation de la révolution sexuelle n’a pas la force qu’il faudrait. On ne s’attaque pas à cette question avec la peur de choquer et le paradoxe veut que dénoncer le libéralisme des mœurs se fasse sans conservatisme mais avec poigne. Ici, l’écriture, sans violence ni enthousiasme, sans souffrance, sans enquête, perd de son sens. On relira plutôt avec un plaisir toujours renouvelé, l’histoire saisissante, bouleversante d’une autre prostituée elle crédible et fameuse : Nana de Zola.

L’odyssée de Maria, sa recherche du sens d’aimer et de jouissance, est aussi une gageure littéraire : que le récit parvienne à évoquer la transe de l’acte, le choc des spasmes, l’essence vertigineuse de la volupté. Combien d’écrivains s’y sont-ils essayés pour y casser finalement leur plume ? Ces «onze minutes» durant lesquelles deux âmes se parlent avec les mots du corps sont par essence ineffables. On s’en sort en général en suggérant avec une rage communicative la brutalité du sexe. Paulo Coelho ne fait rien de cela et rate donc le coche.

Et pourtant, cet auteur mondialement connu est publié à des millions d’exemplaires. Ce succès pose alors problème. Sans message, sans style, sans enseignement, quel peut-être le grand mérite de son œuvre ? Parler de femmes aux femmes et, à défaut de percer le mystère de cette condition – condition tout humaine au demeurant –, avoir ce mérite, peut-être rare, de s’intéresser à cette moitié «incomprise» de l’humanité ?… Ou, plus simplement, et vraisemblablement, proposer des histoires simples, sans ambition, juste des histoires qui fassent un peu rêver, comme une invitation à l’évasion, à l’exil à peu de frais mais de manière honnête. Peut-être… Sans doute…

Paulo Coelho écrit pour ses lecteurs comme on enverrait par charter des touristes en bord de plage… A ne mettre donc qu'entre les mains des inconditionnel(le)s de l'auteur brésilien, qui se seront aussi jeté(e)s sur son dernier roman, Le Zahir (Flammarion, mai 2005).


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 30/04/2005 )
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