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1812 : La Retraite de Russie
Sylvain Tesson   Berezina
Gallimard - Folio 2016 /  7.10 € - 46.51 ffr. / 2014 pages
ISBN : 978-2-07-046677-1
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en janvier 2015 (Guérin - Démarches)
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Sylvain Tesson (né en 1972) est un écrivain-voyageur, dans la tradition des Jack London, Pierre Loti ou Blaise Cendrars dont il se réclame dans une filiation littéraire assez recherchée. Auteur et voyageur prolifique, il rapporte de ses expéditions, à la fois extrêmes et touristiques, des récits, des essais, des aphorismes tout à fait passionnants dans une langue à la fois riche, documentée et parfois poétique. Citons Une vie à coucher dehors (2009), Dans les forêts de Sibérie (Prix Médicis 2011) ou encore Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit (2011), récits qui explorent des contrées lointaines et permettent à l'écrivain de s'adonner à des réflexions personnelles sur la condition humaine et la Nature bienfaitrice qui l'encadre.

Berezina est son dernier rapport écrit, sur une expédition en side-car visant à suivre la tragique campagne de Russie (1812). 4000 kilomètres, de Moscou à Paris en passant par les lieux stratégiques et historiques du repli de l'armée napoléonienne. Berezina ou le nom d'une bataille sanglante dans cette retraite, servant d'ailleurs depuis de définition à une situation cataclysmique. A part quelques pépins techniques et météorologiques, le voyage de Tesson fut moins chaotique mais l'auteur rend un hommage symbolique aux soldats tombés sous les balles, les lames et le froid.

L'idée est donc de raconter le périple de quelques copains reconstruisant une retraite en side-car par -20 degrés, tout en reprenant les principaux axes de la retraite de la Grande Armée, avec pour témoin posthume Caulaincourt (1773-1827), le fidèle et courageux militaire, qui rapporta dans ses Mémoires les discussions qu'il eut avec Bonaparte lors de la déconfiture militaire.

Tesson, en conteur incarné et investi, nous plonge dans ce cloaque de givre, de froid et de sang. 200 000 morts, des incendies, des marches dans l'aride climat russe ; bref, une vision d'horreur que les mots ne parviennent à restituer tant ce fut cauchemardesque. Tesson, féru d'histoire et critique de notre époque superficielle et consumériste, oscille entre la gloire militaire et le gâchis de vies humaines (et animales : les chevaux eux aussi ont été massacrés et il leur rend hommage) dû à un seul homme, un mégalomane insensible mais visionnaire et puissant.

En écrivain-voyageur conscient des enjeux historiques et littéraires, l'auteur définit son plan de bataille en faisant parler l'un de ses acolytes: "Un haut lieu (...), c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par delà des siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant et, soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement fossile qui sourd du sol, comme une sonde. Ici, il y a eu une telle intensité de tragédies en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en n'est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent".

On oscille entre les faits historiques et le récit de l'expédition, entre la mécanique, les paysages, la modernité, la vodka, les rencontres, les hôtels et l'histoire d'une retraite sanglante et cauchemardesque. Deux postures donc, celle d'un fou mégalomane sacrifiant 200 000 âmes et celle d'un écrivain casse-cou qui tente de se créer un destin en quittant Paris et ses mondanités pour mieux se retrouver dans des situations qui elles aussi sont liées à son époque : la vitesse, le tourisme, l'expédition, la mécanique, l'alcool, l'exploit sportif. Seule la littérature reste de marbre et s'enracine dans l'évocation de ces hauts faits...

Et c'est ce que l'on apprécie chez cet écrivain de talent : il possède une langue, un style, une culture livresque et ne cache pas son amour de la solitude, de l'alcool et de l'Histoire. Une belle épopée, que Tesson, qui sait retranscrire les aléas d'un voyage, a su rendre vivante, documentée et passionnante.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 08/06/2016 )
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