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Le syndrome de la frontière
Alexandre Lévy   Carnets de la Strandja - D'un mur l'autre. 1989-2019
Buchet Chastel 2019 /  19 € - 124.45 ffr. / 261 pages
ISBN : 978-2-283-03290-9
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
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. «La frontière vit dans la tête des gens bien plus longtemps que dans la réalité». Journaliste franco-bulgare, Alexandre Lévy revient en novembre 2018, comme de nombreuses fois, dans son pays d’origine et explore sa région, inconnue des Européens, la frontière qui sépare la Bulgarie de la Partie européenne de la Turquie, la Strandja, qui était un bout du Rideau de fer : petites montagnes pelées culminant à mille mètres, important parc naturel et forêts, empire passionné des chasseurs qui tirent le gligan (sanglier) en redoutant ou pas de tuer des réfugiés afghans. Sous le communisme, les dissidents bulgares voyaient l’autre côté comme la terre promise, celle de la Turquie et de l’OTAN. Les garde-frontières n’hésitaient pas à tuer ; après la chute du mur en novembre 1989, la démarcation fut démantelée. Aujourd’hui, elle renaît, faite de barbelés ultra-sophistiqués pour empêcher les nouveaux migrants de rentrer en Europe.

Les carnets de notes d’Alexandre Lévy, bon connaisseur du terrain, restituent la trame subtile d’une réalité drôle et unique. Dans sa Subaru Forrester orange vieille de dix-neuf ans, il a une bande-son qui l’aide à avancer : des tubes des années 70-80, Whitesnake, Pink Floyd, Deep Purple, Chris Rea, The Alan Parsons Project… dans la Bulgarie d’hier, avec ses souvenirs. Chacune de ses rencontres est un événement, une documentation de première main sur cette frontière sud dont l’héritage de fer de Todor Jivkov, trente ans après, n’est pas encore effacé. A Sofia, ses amis journalistes du site Web d’investigation «Le Buffle» font ce qu’ils peuvent pour rendre la démocratie un peu plus lumineuse et la corruption d’état un peu plus condamnée.

Sa rencontre avec l’oncle Nico (qu’il prend en voiture), alias le cannibale de la Strandja, déclaré schizophrène aigu et irresponsable de ses actes, dont ceux d’avoir tué et dépecé sa belle-mère et son meilleur ami pour leur manger le foie, est comme une métaphore de la région : un monstre doux, capable de tout. L’auteur se nourrit de belles rencontres, d’amis qu’il retrouve, croque ces vies qui ont souffert des fantaisies gouvernementales de l’époque communiste. Quelques pages font remonter à la surface le souvenir d’une tentation d’épuration ethnique nommée «Processus de la Renaissance». A partir de 1984, la citoyenneté des Turcs bulgares fut remise en question avec un point d’orgue à l'été 1989. Il y eut des répressions, des morts, des patronymes bulgares imposés et des déplacements massifs (360 000 personnes). Cette épuration fut annulée en décembre 1989 et 850 000 personnes purent retrouver leurs noms musulmans. En 2012, le Parlement a reconnu la réalité d’une forme de nettoyage ethnique par le régime totalitaire.

Malgré tout, il reste des associations de gardes-frontières, des milices qui regrettent l’ancien temps ; ils ont leurs murs Facebook bien verrouillés ; ils sont persuadés que la Bulgarie d’aujourd’hui et l’Europe entière n’auraient pas tous ces problèmes avec les migrants et le terrorisme si l’ancienne frontière et eux-mêmes n’étaient renvoyés au rebut. La Strandja est une sorte de ligne qui stigmatise l’Union Soviétique et l’Union Européenne, les chrétiens et les musulmans, les drames d’hier et les migrations d’aujourd’hui. Elle raconte autant la période de la Guerre froide que la notre et ses crises, financière, migratoire, culturelle et morale, dans un des pays les plus pauvres de l’Europe.

On ressent dans le texte l’amour et la nostalgie d’Alexandre Lévy pour ce bout de terre qu’il connaît bien. Ses carnets sont poétiques, sensibles et réalistes à la fois.


Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 21/06/2019 )
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