| Jean-Claude Bourlès Escapades avec Don Quichotte Payot 2003 / 16.50 € - 108.08 ffr. / 257 pages ISBN : 2228896934 FORMAT : 14 x 21 cm Imprimer
Si la vie est un songe, comme lécrivit Calderon, que dire des voyages ? Jean-Claude Bourlès semble avoir choisi : la topographie de lEspagne quil nous décrit, avec ses lieux réels, Madrid, Tolède ou Trujillo, recouvre exactement celle de ses rêves et de ses lectures. Cest pourquoi son livre, sorte dange en goguette, peut voleter de ville en village ou traverser les siècles pour capter lâme dune Ibérie éternelle. Il est vrai que le coq-à-lâne, la digression, le contraste, sont merveilleusement adaptés au sujet. LEspagne, pays aux ombres denses, réalise le mélange parfait de la lumière et de la tragédie
Elle est aussi la patrie de Don Quichotte, héros cocasse et nostalgique, unique rejeton sans doute dans lhistoire de la littérature du récit épique et de la farce.
Il faut donc sattendre à bien des rebondissements dans le récit de Jean-Claude Bourlès. Lancé à la recherche de Cervantès, il croise maints personnages obscurs ou grandioses. Voici Jeanne de Castille accompagnant à la lueur des torches la dépouille de son mari dans un périple nocturne hallucinant : «Atteinte dun délire de jalousie, elle interdisait quune seule femme, même religieuse, sapprochât du cercueil royal ou posât un regard sur lui. On dit aussi que, prise de doutes, ou craignant un enlèvement, elle faisait régulièrement ouvrir la bière pour sassurer de la présence du corps de cet époux volage mort à vingt-huit ans, et lui baiser les pieds
» Voici Charles Quint, empereur des deux mondes, se retirant au monastère de Yuste. Et voici Sancho Pança trottinant sur son âne, un bon à rien, certes, mais immortel, et dont lembonpoint tempère à merveille la raideur un peu sèche et la folie de son maître
Précédé par Dumas, à qui il préfère Gautier, et surtout Mérimée, lingénieux écrivain Jean-Claude Bourlès a réussi un portrait de lEspagne allègre et malicieux, désinvolte et passionné. Poursuivant une quête qui lavait déjà mené sur les chemins de Compostelle, il nous prouve une fois de plus que les charters et autres voyages à prix cassés ne sont pas venus à bout de la noble race des chevaliers errants.
Serge Sanchez ( Mis en ligne le 05/10/2003 ) Imprimer | | |