| Richard Bohringer Bouts lambeaux - Avec 1 DVD Arthaud - Lou 2008 / 18 € - 117.9 ffr. / 89 pages ISBN : 978-2-7003-0158-8 FORMAT : 13,5cm x 21,0cm
Inclus : le DVD de Cest beau une ville la nuit de Richard Bohringer.
L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire dun troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourdhui à lécriture de carnets et de romans. Il na pas publié entre autres Fou dHélène, LImprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence. Imprimer
Richard Bohringer (né en 1942) est le symbole du vrai saltimbanque sensible et doué. Touche à tout, grande gueule et figure sympathique du paysage cinématographie, il écrit, dirige, édite, compose, chante et joue. Dépressif, alcoolique durant les années 70, il remonte la pente au début des années 80 en interprétant des rôles clés dans des films populaires, chez Beinex, Lelouch, Arcady puis Hubert et Jugnot au début des années 90. Ses rôles dans Le Grand chemin puis dans Une époque formidable sont inoubliables, dautant plus que ces deux films sont assez réussis. Il sessaie à la chanson en 1990 avec un très bon disque, Errance, où il interprète ses propres textes sur des mélodies inspirées et entraînantes. Sadressant aux routiers, il explore les terrains minés de lalcool, des femmes, de la ville et de la nostalgie. En 1988, parait Cest beau une ville la nuit, roman autobiographique où la vie nocturne, lalcool et les femmes prédominent également. Cest un véritable succès public et, depuis, lacteur jongle entre ces diverses activités.
En publiant cette année Bouts lambeaux, il ne dénote pas avec ce quon a pu lire ou voir précédemment de lui. Cest avant tout un recueil de textes très courts et de poèmes en prose, où violence des images, tristesse du ton, et beauté de la langue se lient avec plus ou moins de réussite. Textes de jeunesse ensuite réunis, dautres non datés, senchaînant avec rapidité, incohérence et fulgurance. Bohringer, qui sait aussi dessiner, illustre ses textes par des figurines danimaux faites au crayon ou des photos de ses amis et de sa famille. Bref, dès les premières pages, le lecteur baigne dans lunivers très dense et tourmenté de l'auteur, malheureusement maladroit et dont le premier degré brutal peut faire sourire.
Poèmes damour fou, femmes perdues à jamais, envol impossible, chaleur des corps qui senfuient très vite pour ne jamais reparaître, la vie nest pas facile pour les curs fragiles mais il y a toujours un Paulo, un frère de lespoir, avec qui boire un verre et échanger quelques mots font reprendre goût à cette vie «à la gueule de chien» ! Paulo, ce double et éternel compère de Bohringer, revenu de lalcool et des femmes, inspire à lauteur des textes originaux ou des poèmes nostalgiques. Dailleurs, le recueil reprend quelques textes de chansons en les complétant ou en les modifiant. Avec Bohringer, on est dans le populaire, dans loralité, dans lexcès métaphorique et la liberté de ton. Littérairement, ça ne vaut pas grand-chose, mais on aime Bohringer parce quil touche souvent au creux des fêlures. Intérêt dun si court recueil (89 pages écrites en gros caractère et parsemées dillustrations) ? Laboutissement dun travail «littéraire» que lauteur sait sans génie, un livre-hommage à ses amis, une anthologie littéraire de sa jeunesse, ou encore un moyen subtil de diffuser son film, Cest beau une ville la nuit, offert avec louvrage et dissimulé dans la couverture ?
Reste que durant un voyage en métro aérien, comprimée dans la foule anonyme, la lecture de ce texte quasi anonyme, rappelle immédiatement une chose : que cest laid une ville de jour...
Tiré du roman éponyme, Cest beau une ville la nuit est le premier film de Bohringer en tant que scénariste et réalisateur. Dans cette sorte de Road-movie musical tourné en 2006, lacteur tente de nous faire vivre son univers teinté de bars nocturnes, dalcool, de nuits blanches, de musiciens baroudeurs, et damis un peu loufoques. Ce film familial (dans lequel joue entre autres sa fille Romane) méritait davantage une projection privée sur écran diapo que de sortir dans une salle de cinéma. Les maximes du style «Le chagrin, ça fait de la peine» ou les dialogues inspirés - «Tu es belle. Jaime quand tu souris» - interpellent le spectateur qui cherche en vain un second degré. Mais cest courant dans le cinéma actuel et cest loccasion aussi de revoir Farid Chopel, acteur lunaire, disparu récemment dans lindifférence générale et dans lun de ses derniers rôles.
Reste que Bohringer parolier écrit et chante :
«Soleil de Pâques, je veux vivre à tes côtés
Redevenir ton sauvage,
Te rejoindre à la nage
Dans un monde différent.
Tu seras ma sur, je serai ton amant.
Venir à toi, nu et sans gloire.
Poser à tes pieds les fleurs despoir.
Et mon ventre, glacé.»
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 20/06/2008 ) Imprimer | | |