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Dans ma bulle
Laurent Genefort   Omale - Tomes 1 & 2
Denoël - Lunes d'encre 2012 / 

- Tome 1, 880p., 30 €, ISBN : 978-2-207-10965-6

- Tome 2, 848p., 29 €, ISBN : 978-2-207-10968-7

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Laurent Genefort est un grand auteur de SF, l’un de ces auteurs dans la plume façonne des univers… Son univers fétiche est toutefois un univers borné, contenu dans une sphère de Dyson. Une sphère immense aux paysages quasiment infinis, qui se mesurent en gaia (la surface terrestre), capable d’englober un soleil, deux planètes et de faire cohabiter des races extra-terrestres étranges (Hodgqins, Chiles, Aezirs) avec des humains arrivés là il y des siècles. Car la sphère est un monde clos et démesuré, où les races se confrontent, communiquent, prient, jouent, s’affrontent, un monde qui mêle des technologies modernes (steampunk, dirait-on), des sociétés aux mœurs traditionnelles, féodales (où subsiste l’esclavage), une singularité technologique et sociale créée sans doute par ces mystérieux Vangks, qui parsèment l’œuvre de Genefort. Comment se comprendre, comment cohabiter, comment collaborer ? Tels sont les enjeux des romans d’Omale.

Il y a du Jack Vance chez Laurent Genefort, l’art d’un conteur qui explore, en même temps que son lecteur, un monde neuf, son histoire, ses races, sa faune, sa végétation… et qui se pose – c’est le charme exaspérant de cette série – les mêmes questions, sans forcément y répondre. Genefort n’aime rien tant que l’aventure, les récits, les personnages… au point parfois d’en oublier la légitime curiosité du lecteur pour ce monde sidéral et sidérant. En publiant, en deux gros volumes, l’intégrale (jusqu’à présent) des romans et nouvelles d’Omale, ''Lunes d’encre'' fait un beau cadeau aux amateurs de SF française, tout d’abord parce qu’en sus des trois romans éponymes (Omale, Les conquérants d’Omale, La Muraille sainte d’Omale), les fans de cet univers y trouveront un ensemble de nouvelles, Les Omaliens, organisées sur le même principe. Car, en effet, il y a un sens à ce récit, et Laurent Genefort, non sans perversité (mais il en faut pour être écrivain), enchaîne les bonds dans le temps, et chaque roman, chaque récit évoque un morceau de l’histoire générale d’Omale, depuis les premiers temps de la colonisation humaine (Aparanta) jusqu’à une crise qui menace la cohésion même d’Omale (La Muraille sainte d’Omale). Une histoire longue, tumultueuse, appréhendée à partir d’existences individuelles, mais jamais infimes.

Ainsi, le premier roman, Omale, fait plus que poser le décor de ce monde : il nous y promène, nous en dévoile la façade et la réalité, entrevue peu à peu. En suivant plusieurs personnages de toutes les races, réunis par quelques fragments d’une coquille, dans une traversée mouvementée d’un immense océan, le lecteur découvre les rapports entre races comme au sein de chaque aire, les difficultés de la cohabitation, les tensions, les non-dits de cette société singulière. En particulier, il s’initie au fejij, une sorte de jeu de rôle religieux pratiqué par les Chiles, et qui, s’intégrant dans le récit, en module les épisodes. Et au-delà, de l’aventure, des ballons dirigeables, des pirates des airs, des batailles… du souffle. Le second roman, Les Conquérants d’Omale, nous ramène quelques siècles en arrière, au cœur des guerres entre races. On y suite des humains mais également des Chiles, engagés dans diverses quêtes ou fuyant une menace étrange, l’obscurité. La guerre entre races, avec, en toile de fond, un monde qui se découvre peu à peu dans son immensité.

Le troisième roman, La Muraille sainte d’Omale est sans doute le plus réussi et le plus ambitieux : il relate l’épopée d’une expédition lancée à travers une muraille établie voilà longtemps, dans un territoire interdit, le Landor, afin de percer un secret qui met en cause la nature même d’Omale. Un secret qui pousse les populations humaines à fuir et à se déverser hors de la muraille. Car le territoire interdit n’est pas vide, loin de là, et de même que dans les précédents romans, le lecteur découvre un nouveau culte singulier – humain celui-là –, l’armée des damnés – et son credo apocalyptique. Avec ce troisième et dernier roman, on est au cœur des interrogations de Laurent Genefort, sur les interactions entre la religion, les races et l’explication du monde. Une fresque réussie, qui évoque un peu la quête des sources du Nil et les grands récits d’exploration du dix-neuvième siècle (territoire interdit, jungle hostile et découverte majeure). Il faut seulement espérer que l’auteur n’en a pas fini avec sa création !

Omale fait partie de ces livres univers qui, comme Dune, Hypérion, etc. découvrent un monde et l’organisent selon des lois et une physique particulières. La sphère de Dyson – et l’on sent, à de nombreux passages, l’influence de Roland Lehoucq – n’est pas une impossibilité en soi, mais elle suppose un matériau, un écosystème interne, une écologie particulière. De même, la cohabitation entre races suppose des phases d’appréhension réciproque, de conflits, d’alliances, et bientôt une culture commune, métissée et des buts communs. Le métissage est au cœur de cet ouvrage, un métissage improbable qui voit les races se copier, puis s’accepter et se compléter.

Comprendre ce monde et ses habitants, en saisir la nature (et l’anthologie comprend un index bienvenu pour le lecteur néophyte dans la sphère) et l’explorer, voilà ce qui attend le lecteur dans cette fresque réussie, une pépite de la SF française.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/12/2012 )
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