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Littérature  ->  Policier & suspense  
 

Un scandale en charentaises
Serge Scotto   La Grande évasion en pantoufles
Baleine - Baleine noire 2010 /  12 € - 78.6 ffr. / 173 pages
ISBN : 978-2-84219-475-8
FORMAT : 11,5cm x 17cm
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Outre le fait qu’il est le maître du chien le plus connu de France – le sympathique quadrupède Saucisse qui obtint pas moins de 4,5 % de suffrages en se présentant aux municipales de Marseille en 2001 –, Serge Scotto est également un romancier outrancier et subversif, dont les livres sont aux antipodes de ceux que l’on trouve en général dans la bibliothèque de l’honnête homme. Pour faire suite à Massacre à l’espadrille, voici que paraît, sous un titre à même connotation orthopédique, La Grande évasion en pantoufles, où nous retrouvons le pervers polymorphe, anglophobe et amoureux de Wonder Woman, que Scotto avait lâché dans la nature dans son précédent opus.

Le ton du personnage n’a pas changé d’un iota et le quartier de haute sécurité dans lequel il végète ne l’a guère assagi. Même si le monstre se fait discret, piquant du nez pour sa sieste quotidienne devant l’inspecteur Derrick et s’essayant en secret à croquer les cafards qui lui rendent visite dans sa cellule, notre homme nourrit l’improbable projet de fausser compagnie à ses gardiens. Mais comment s’échapper d’une geôle bien étroite garnie de quatre murs bien épais ? Pardi, en développant, à force de concentration, la faculté mentale de sortir de son propre corps ! Donnant aux matons l’illusion qu’il a succombé à un arrêt cardiaque, notre Oudini à tendance pédomaniaque attendra de gésir sur la table de dissection de la morgue pour réintégrer son enveloppe charnelle et se faire la belle, non sans avoir préalablement suriné le docteur qui prétendait l’autopsier.

«Invraisemblable», «rocambolesque», «macabre», «inacceptable», tous ces adjectifs pourraient tour à tour qualifier le récit de Scotto, dont on sent à chaque page le pied (bien chaussé) qu’il a pris à en rajouter une bonne couche. Une jubilation en tout cas proportionnelle au déplaisir de son «héros», affligé d’un affaiblissement du sphincter dont on peut imaginer les conséquences néfastes sur ses fonds de culotte. L’auteur renouvelle l’exploit d’écrire un roman se situant au-delà de toute morale, et du coup parfaitement indéfendable. Fût-ce quelques indices narratifs un peu surfaits – qui permettent en fait au lecteur qui n’aurait pas lu Massacres à l’espadrille de raccrocher – et une tension qui se relâche en fin de récit au profit du pur burlesque, ce roman sonne comme un petit chef-d’œuvre de férocité exacerbée. Son protagoniste, par son refus systématique à expier ses crimes et son cynisme absolu, demeure de bout en bout crédible et consistant. Il provoquera même, chez certains lecteurs, une empathie fort malaisée à assumer et néanmoins irrépressible. Car peut-on, à moins d’être le dernier des hypocrites, s’empêcher de sourire face à quelqu’un qui vous avoue platement : «Partout l’homme préfère souffrir en société, plutôt qu’être heureux comme un naufragé ! Moi, si j’avais été Robinson, j’aurais bouffé Vendredi pour rester tout seul, peinard sur mon île… Un bras le lundi, un bras le mardi, une cuisse le mercredi, une cuisse le jeudi, et le vendredi j’aurais mangé du poisson, bien sûr».

Publier un tel roman dans la France à caméras et œillères mentales de Sarkozy relève de la pure bravade. À croire que Serge Scotto se joue si bien des codes, des registres humoristiques et des frontières entre genres qu’il décourage d’emblée la vigilance idiote des censeurs, tant il les déconcerte ; et surtout qu’il a compris, comme son courageux éditeur, que le scandale obéit à une logique inverse à celle du mensonge : plus il est gros, moins il risque d’éclater !


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 16/07/2010 )
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