| Mark Mills Amagansett Calmann-Lévy - Suspense 2005 / 20.90 € - 136.9 ffr. / 428 pages ISBN : 2-7021-3522-6 FORMAT : 14x21 cm Imprimer
Amagansett, un nom qui fleure bon la côte Est, les Etats-Unis, quelques vieux souvenirs en arrière-plan dIndiens et de pêcheurs ; une nature superbe de forêts et de dunes, un espace ouvert : un décor américain !
Il y a tout cela dans le premier roman prometteur de Mark Mills. Tout cela et plus encore : une société américaine qui émerge doucement de la Seconde Guerre mondiale, habituée aux inégalités qui opposent dans ce village de pêcheurs les descendants des premiers arrivants, les Iindiens, les fils des colons anglais et hollandais, et les derniers venus, les riches New-Yorkais, qui découvrent les charmes de la côte sauvage.
Une Amérique dhier avec sa société puritaine, ses politiciens corrompus, ses flics fatigués, ses dames de charité qui soccupent, faute de mieux, ses classes moyennes en émergence et ses pauvres de toujours. Lhorizon est donné par locéan, brutal et disputé entre les pêcheurs qui en vivent (et y meurent) et les «pêcheurs sportifs» qui arrivent chaque week-end, harnachés de frais et tolèrent mal les occupants du lieu. Quelques figures autour desquelles se noue lintrigue : Conrad Labarde, immigrant basque arrivé avec son père et son frère au lendemain de la première guerre, Rollo, le petit fils du chasseur de baleines qui passe pour simple desprit, le policier Hollis, chassé de New York parce que trop honnête, le photographe Abel, le chérif Milligan bravache et corrompu, les Wallace père et fils, richissimes et ambitieux. Quelques femmes aussi : Lilian Wallace, Mary Calder, la divorcée flanquée dun jars, Eugène, et dun fils, Edward, également hargneux. Un paysage enfin : la côte offerte aux vents maritimes, ses maisons de bois et ses granges dont les citadins commencent à saisir la beauté, la petite ville dAmagansett
Mark Mills est scénariste et il excelle à décrire par touches progressives ce monde qui, tout autant que lintrigue policière, est au cur de son roman. Il ne sagit pas ici de «roman ethnologique», mais bien dun policier classique qui nous replonge dans latmosphère des films en noir et blanc des années 50. Le choix de la date, 1947, permet aussi de repousser la tentation du présent. Le présent alors, au coeur du roman, cest la seconde guerre, à travers les souvenirs de Conrad, survivant de la campagne dItalie. Roman historique sans doute, mais comment ne pas penser en arrière plan à cette autre guerre, du Vietnam, qui marque au fer rouge les Américains
Quoi quil en soit, les protagonistes sont bien campés : les déshérités de la vie - la petite Lizzie Jenks, tuée une nuit par un chauffard non identifié ; les middle-class, armature de lAmérique : Abel, le photographe, Hollis le policier, Conrad et les pêcheurs ses amis ; les puissants retranchés dans leurs vastes propriétés avec piscine deau de mer : le clan Wallace et leurs satellites, du secrétaire Richard Wakeley au shérif Milligan.
Un poème de Walt Whitman en exergue, lintrigue démarre immédiatement par la découverte du cadavre dune jeune femme dans les filets de pêche de Conrad. Le récit se construit de façon efficace jusquau dénouement. Un souhait : que Mark Mills achève rapidement la rédaction de son second roman annoncée par léditeur en quatrième de couverture.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 27/04/2005 ) Imprimer | | |