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«Esclave de la littérature générale, bosser un ti peu»
Arnaud Viviant   La Vie Critique
Belfond 2013 /  17.50 € - 114.63 ffr. / 187 pages
ISBN : 978-2-7144-5623-6
FORMAT : 13,5 cm × 19,2 cm
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Sans doute faut-il avoir en soi une certaine dose de masochisme pour se lancer dans une critique de La Vie critique d’Arnaud Viviant, critique très critique, que l’on ne présente plus !

Exercice vertigineux… d’autant que l’auteur lui-même en rajoute : à la troisième personne du singulier, il évoque le quotidien d’un critique, grand adepte de pratiques SM et véritable «obsédé textuel» (p.18), qui ne conçoit son activité qu’en référence à celle, honteuse, du corps et de la sexualité : «Pour lui, écrire était une activité sale. Il fallait fermer la porte derrière soi pour s’y adonner, il se tirait la nouille quand il écrivait, il poussait en ahanant, il se torchait le cul avec des lambeaux de phrases et n’aurait tout simplement pas supporté qu’on le regardât faire» (p.50).

Héros ou, plus souvent donc, anti-héros, avec «son visage difficile, son air niais, son mental épais» (p.48), le protagoniste ne vit que pour et dans les livres, qu’il pioche au hasard dans son «couloir de la mort» (p.14) et consomme sans modération. De Deleuze à James Ellroy, c’est une sorte de Panthéon personnel qu’il livre au fil des pages, impitoyable avec les usurpateurs : «Mais le lecteur sentait bien qu’on lui vendait du Léautaud lyophilisé, du Cioran de dé à coudre, du Julien Green de gris…» (p.110), et déterminé dans ses choix esthétiques : «Plus tard, il défendrait toujours les modernes contre les anciens. Il aimerait sans hésiter les innovateurs, les inventeurs, les fous et les idiots» (p.122). En définitive, c’est sa propre conception de la littérature que nous offre cet amateur de Balzac : «Le roman était désormais un miroir que l’on promenait le long des autoroutes de l’information» (p.25). Et, pour lui, la littérature, c’est d’abord le jeu ! En témoigne sa «manie» pour les listes les plus farfelues, qui sont autant d’hommages aux grandes figures d’écrivains – les écrivains de «romans qui se déroulaient dans un train» (p.80), les «écrivains morts dans des accidents de voiture» (p.81), les «écrivains fils d’écrivains» (p.106) ou encore les «écrivains à chien» (p.111).

La «jouissance de la langue» (p.115), donc, mais aussi un questionnement plus fondamental autour d’un métier, certes initialement «désiré» (p.129), mais tellement réprouvé. Déchu de son statut originel de «demi-dieu» (p.31), le critique est lui aussi entré dans l’«ère du soupçon» ; ce n’est d’ailleurs sans doute pas pour rien qu’il décrypte avec autant d’attention la mythique photo du Nouveau Roman ! Ainsi, moquant tous les hauts lieux prisés par la profession (le Salon du livre, le café de Flore), le «putain de sniper (…), de tueur à gage indépendant» (p.73), s’interroge sans complaisance : «il se demanda s’il n’avait pas raté sa vie en transformant le miel en fiel» (p.111), jusqu’à se mépriser : «il ne connaissait rien à rien. Son incompétence ne cessait jamais de l’effrayer, elle était synonyme d’imposture, il avait peur qu’on la remarque, qu’on la lise, qu’on l’entende» (p.53).

C’est peu de dire qu’Arnaud Viviant a le sens de l’autodérision, ce qui rend l’évocation de son itinéraire dans le «bottin de ses souvenirs» (p.117) plutôt sympathique et sa fin savoureuse. Et pourtant, le lecteur ne peut s’empêcher de rester, précisément, sur sa faim : quelle cruelle absence de style ! Est-ce là le prix à payer lorsqu’on a consacré sa vie à disséquer celui des autres ? Toujours est-il que, au critique qui dénonce ici et là une forme de littérature sans estomac, on a envie de dire qu’il n’y échappe pas, loin de là !

Mais, si l’on se souvient de Proust, il semble qu’un tel échec était inscrit dans le titre lui-même et le pari perdu d’avance, car, après tout, «la vraie vie, c’est la littérature»…


Sarah Devoucoux
( Mis en ligne le 23/10/2013 )
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