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La liberté est une prison | | | Giovanni Arpino Giovanni le bienheureux Belfond 2014 / 18 € - 117.9 ffr. / 288 pages ISBN : 978-2-7144-5178-1 FORMAT : 14,2 cm × 22,7 cm
Nathalie Bauer (Traducteur) Imprimer
Rendons grâces aux Editions Belfond qui nous font découvrir le premier roman dun grand écrivain italien, Giovanni Arpino (1927-1987), connu en France pour ladaptation au cinéma de ses romans Parfum de femme avec Vittorio Gassman et Âmes perdues avec Catherine Deneuve.
''Giovanni le bienheureux'', un titre français bancal par rapport au titre original, «Sei stato felice Giovanni», est un jeune homme de vingt-trois ans, seul, pauvre comme Job, qui aime boire et senivrer dans un quartier mal famé du port de Gênes dans laprès-guerre. Avec ses amis, Mario, le philosophe et Mange-trous, saltimbanque qui avale et crache des grenouilles, il vit au jour le jour en profitant de sa liberté et en faisant des petits boulots occasionnels : «Nous travaillions comme nous le pouvions, nos employeurs comprenaient - du moins en partie - notre mauvaise volonté et nous plaignaient. Il était important dêtre plaints» (p.26).
Giovanni est le seul des trois à aimer la culture et fait des sacrifices pour vivre dans une misérable pension de famille. Il est le «beau gosse», comme les autres le nomment, et aime bien Olga, la femme de chambre de la pension, ainsi que la jolie prostituée, Giovanna. Après avoir été licenciés, la faim les tenaillant, Mario propose à Giovanni à loccasion dune course cycliste de vendre des oranges et des boissons, mais leur charrette est écrasée par un camion, ce qui alourdit leurs dettes. Suite à une opération de contrebande à laquelle il a participé, il se renfloue et peut continuer à vivre sans trop réfléchir dans loisiveté. Largent dépensé, et lui-même chassé par Maria, une jolie veuve rencontrée dans un bar, il doit trouver une solution pour le futur.
Les thèmes du bonheur et de la joie sont souvent abordés dans le roman : Giovanni na aucune ambition et est heureux avec ses amis ; «non, ce nétait pas par peur que jen étais arrivé là mais par ennui (
) ; sous leffet dun certain désespoir, dune certaine paresse et dune certaine gaieté, une grande gaieté, en vertu dune ironie exercée au dépens dautrui» (p.85). Il comprend quil doit se motiver pour réagir et quil nest plus heureux à force de galérer dans cette vieille ville. Il passe tout son temps libre à se contempler dans la misère et à simaginer un avenir meilleur.
Passionnant, le personnage imaginé par Arpino, certainement très inspiré de lui-même, nous intéresse pour ses incertitudes dans ce décor où le soleil étincelant et la mer le disputent aux nuits cendrées. Il tourbillonne autour de cette idée de liberté, la plus rude des prisons. Lécriture de Giovanni Arpino sapparente au néoréalisme italien de lépoque. Cest la fin des rêves nationalistes du régime mussolinien ; cest la généralisation de la misère, la lutte désabusée pour la survie dans les quartiers pauvres ; il sagit de transmettre la réalité telle quelle est sans occulter les problèmes et dêtre le porte-parole du peuple et de ses réalités, même plusieurs années après la fin de la guerre.
Ce premier roman prometteur est le reflet de toute une époque et dun peuple en Italie.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 31/10/2014 ) Imprimer
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