| Jessica L. Nelson Tandis que je me dénude Belfond 2015 / 17 € - 111.35 ffr. / 240 pages ISBN : 978-2-7144-6025-7 FORMAT : 13,5 cm × 19,1 cm Imprimer
Angie Rivière, la narratrice, est un jeune professeur de lettres de vingt-cinq ans, au lycée Perrault à Paris. Elle publie son premier roman, Bébés de brume, largement autobiographique. Son récit dénonce la cruauté de ladolescence par le biais de ses problèmes personnels, ses drames : sa tentative ratée de suicide à quinze ans, linceste traumatisant dune amie avec son frère, devant ses yeux. Elle met sa vie dans son roman, surtout ces événements douloureux quelle ressasse en permanence. Elle est aussi persécutée par une blogueuse anonyme, «le Homard»... «Isa, quinze ans, en rébellion contre lunivers entier, développe une relation par mail avec un mystérieux correspondant. Le monde virtuel va la happer, le temps dune nuit, jusquà la folie» (p.65).
Angie est invitée dans une émission de télé pour parler de son livre, aux côtés d'un député aux dents longues, d'un acteur vieillissant, d'un geek... Un talk-show rondement mené par un présentateur cocaïnomane et un chroniqueur gay. Au fil des minutes, son angoisse, «lombre», la tiraille, la déstabilise, au lieu de la mettre en valeur ; elle transpire, morte de honte vis-à-vis de son éditrice et de son attachée de presse, présentes dans les coulisses.
Ce roman est la satire dune époque qui se détraque par les moyens désormais illimités de linformation et de la communication. Dans cette émission, Angie voit son âme mise à nu par le biais de son roman, et ce quelle ressent lhorrifie. «Là, je te parle dimage, celle de soi, structurée ou déstructurée par le regard de lautre» (p.133).
Cest un roman choral à la construction particulière réussie : à chaque chapitre, lauteur donne la parole à l'un des personnages (lacteur, le député, le chroniqueur
) avec, toujours par la suite, un retour sur le plateau télé avec Angie, la narratrice. On découvre peu à peu son histoire qui recoupe les différents points de vue et les pensées intimes des invités de l'émission.
Cest une critique acerbe et brillante des médias, des réseaux sociaux et du culte de lapparence. On a limpression que ce récit est largement inspiré du vécu de lauteur, un retour sur la sortie de son premier roman, peinture dune jeune femme confrontée au voyeurisme actuel de notre société et à sa propre vulnérabilité face au regard des autres.
Jessica L. Nelson connaît bien les rouages de la télévision puisque elle été chroniqueuse, notamment pour lémission de Michel Field, ''Vol de nuit''. Elle nous livre une peinture décapante et pertinente d'une société surmédiatisée, où promouvoir la culture na jamais été aussi difficile.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 16/11/2015 ) Imprimer | | |