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Jock Sturges : photographier pour ne rien perdre | | | Jock Sturges Jayne Anne Phillips Le dernier jour de l'été Aperture 2002 / / 96 pages ISBN : 0-89381-989-1 FORMAT : 25 x 30 Imprimer
Femmes, enfants et petits-enfants sont photographiés, au cours des
mois dété, aux Etats-Unis ou sur les plages naturistes françaises.
Habillées de vêtements légers, de maillots de bain ou simplement nus,
les modèles de Sturges sont pris tels quil lui apparaisse dans linstant,
dans lappareil quils ont choisi, sans quaucune systématicité nait été
imposée. Et cest là la force de luvre : saisir la beauté naturelle du
sujet. Le mode opératoire est souvent le même chez Sturges et
lintermédiaire mécanique sait, chez lui, se faire discret. Loutil technique
une chambre 20 x 25 et un trépied - se veut simple dutilisation,
naccaparant lattention du photographe que de façon minimale. Une
impression daisance et dévidence transparaît à limage, qui laisse
supposer une connaissance intime du modèle de la part de son
photographe. Et de fait, Sturges partage, souvent pendant un ou plusieurs
mois, la vie de ses sujets-amis, répétant cette expérience dune année
sur lautre. Car tout comme il ne cherche pas à multiplier les possibilités
techniques, il ne poursuit pas davantage la variété thématique. Avec la
plus grande constance, il sest toujours attaché à photographier sa
famille et ses amis. Aussi loin que remonte sa pratique, il na eu de
cesse de portraiturer son environnement le plus proche.
Pris de 1978 à 1990, de Montalivet, plage naturiste française, à Rhode
Island en passant par la Californie du Nord, ces clichés sont autant de
témoignages du passage du temps sur ces êtres, de linéluctable
transformation à laquelle sont voués ces jeunes corps. Du passage de
lenfance à lâge adulte, de la maternité à lindépendance des enfants,
toutes ces étapes sont saisies par Sturges. Fixer sur le papier, ce qui
demain ne sera plus, garder une empreinte de ces âges de la vie, tel
semble être le projet du photographe. Certaines images prises à
Montalivet, exposant au regard ces corps nus, vus en plongée, ne sont
pas sans rappeler une tendance de la photographie française des
années trente, plus particulièrement illustrée dans luvre de Jean Moral
ou encore Pierre Boucher. Corps abandonnés dans la chaleur et la
lumière dété, nonchalants, ou nudité plus affirmative, ces femmes nous
regardent souvent droit dans les yeux, sans aucune gêne. Les poses,
sans être empruntées, sont toujours gracieuses, et la gestuelle,
harmonieuse. Certaines compositions, teintées daccents mystiques,
présentant des jeunes filles à la fenêtre, la tête couronnée de fleurs ou
auréolée semblent héritières de lart de Julia Margaret Cameron, où
règne cette fragilité et affleure cette même complicité troublante, à la fois
fraternelle et féminine. En 1990, Sturges, accusé de contrevenir à la loi
sur la pornographie enfantine, voit son atelier perquisitionné et ses
photographies saisies par le FBI. Pourtant aucune ambiguïté nest à
déceler dans le regard du photographe, cest toujours avec respect que
Sturges considère le modèle, aucun instant volé ici, mais une intimité
partagée, sans le moindre voyeurisme.
Raphaëlle Stopin Sélectionné par ArtAujourdhui.com ( Mis en ligne le 03/05/2002 ) Imprimer | | |