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Beaux arts / Beaux livres -> Peinture & Sculpture |
| Françoise Roberts-Jones Philippe Roberts-Jones Bruegel Flammarion 1998 / 85 € - 556.75 ffr. / 349 pages ISBN : 2080100726
Réimpression 2002 Imprimer
De Bruegel, la postérité a gardé lidée du peintre chantre de la vie rustique et des moeurs paysannes, illustrée la première par des tableaux comme La Fenaison, La Moisson ou Chasseurs dans la neige, les seconds par Le Repas de noces, Le Pays de Cocagne ou encore La Danse de la mariée. Philippe et Françoise Roberts-Jones nous rappellent que ce Bruegel-là, bien connu et reproduit à lenvi, nest pas le seul. A côté de «Bruegel le Drôle», surnom du peintre en qui on a coutume de voir un équivalent plastique de lécriture rabelaisienne, il y a lauteur de tableaux comme Le Triomphe de la Mort, le Portement de Croix ou La Parabole des aveugles, à cent lieues pour leur part de lévocation de la liesse populaire. «Ses personnages de carnaval, sinterrogent les auteurs de louvrage, nannoncent-ils pas souvent James Ensor ? Le Triomphe de la mort nest-il pas limage de la réalité concentrationnaire et des génocides contemporains ?»
Face à un peintre tel que Bruegel, il y aurait donc à accomplir un travail de déconstruction de quelques idées préconçues liant trop fortement un artiste à lidiosyncrasie de son époque. Le commentaire critique, non content de faire pièce au cliché de Bruegel le Drôle, sen prend aussi à cette propension à faire du peintre un simple épigone de Jérôme Bosch. Les contemporains voyaient en effet en Bruegel un «second» ou encore «un nouveau Jérôme Bosch». Or un tel rapprochement ne se justifie quà condition, une fois encore, de sen tenir à quelques tableaux, comme La Chute des anges rebelles ou encore Dulle Griet ou Margot LEnragée qui présentent chacune des analogies de couleurs et de motifs avec certaines des toiles de Bosch.
Loin de souscrire à des simplifications ou à des assimilations abusives, Philippe et Françoise Roberts-Jones ont à coeur dévoquer le caractère innovateur de la peinture de Bruegel. Cela est rendu possible par la mise en regard des oeuvres du peintre avec celles, reproduites dans les marges, de ses contemporains ou au contraire dartistes de lépoque moderne. Ainsi Le Peintre et lamateur de Bruegel, confronté à M. Prudhomme visitant les ateliers de Daumier, fait lobjet dun pertinent et non moins divertissant cours de littérature comparée. Philippe et Françoise Roberts-Jones ne répugnent pas à faire de leur peintre un avant-gardiste : ainsi dune Dormition de la Vierge dont le climat, à leurs yeux, «annonce lart du 17e siècle et, en particulier, celui de Rembrandt et de Georges de La Tour.» Là ou le commentaire touche à lessentiel, cest lorsquen dehors de considérations de pure esthétique, il évoque, notamment à travers un tableau comme Le Misanthrope, le caractère nuancé, jamais univoque, du discours ou de la vision du Bruegel. «Le peintre affectionne les images qui ne se limitent pas à une pure description. Il cultive les résonances et, sous lapparente évidence, il aime à sous-entendre dautres voix qui répondent à la diversité de la pensée et de la vie.»
Thomas Regnier ( Mis en ligne le 01/01/2003 ) Imprimer | | |
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