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Passeur par-delà la Méditerranée
André Ravéreau   Du local à l'universel
Editions du Linteau 2007 /  15 € - 98.25 ffr. / 153 pages
ISBN : 978-2-910342-46-3
FORMAT : 11,0cm x 17,0cm

Posface de Maya Ravéreau.

L’auteur du compte-rendu : Illili Mahrour est architecte, diplômée de l’Ecole de Paris Belleville, spécialiste des architectures vernaculaires d’Afrique du Nord et auteur d’une recherche sur les Ksour du Gourara algérien.

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Du local à l’universel est le parcours d’un architecte, André Ravéreau, à travers le XXe siècle, dont certains de ses épisodes les plus tragiques. Il nous conte l’histoire de sa vie d’architecte et d’homme de terrain où ses héros éternels s’appellent «chapiteau», «arc de décharge», «mur de refend», «pinacle», «acrotère»... Tout au long du livre, nous évoluons dans un triptyque spatial France-Grèce-Algérie où Ravéreau côtoie les personnages phares du monde de l’architecture et d’autres personnalités politiques, parmi lesquelles celles qui lui permettront de mener à bien des opérations de sauvegarde du patrimoine architectural, en particulier en Algérie. Selon Vincent de Chazaud qui à recueilli et retranscrit les paroles de l’architecte, l’ambition principale de Ravéreau reste de «transmettre en révélant, soit dans les ateliers qu’il a créés (souvent sur les sites même des projets qu’il concevait), soit dans les livres qu’il a écrits ce qui en fait un "enseignement, au sens socratique du terme, mû par l’expérience, pétri d’humanisme et chargé de sagesse». Il ajoute dans sa présentation (p.9): «C’est sans doute un sentiment "religieux", dans le sens de relier les hommes entre eux et avec la nature, dans un souci de bien-être, qui anime André Ravéreau dans ses questionnements sur l’architecture».

Ravéreau naît en 1919. La famille change souvent de lieu de vie avec un père voyageur de commerce. Exclu de l’Ecole chrétienne, il prépare l’admission aux Beaux-Arts et c’est à Rouen qu’il commence ses études d’architecte. Il a 20 ans quand la Seconde Guerre mondiale commence. Fait prisonnier, il reste quatre ans détenu des Allemands. A la libération, il rejoint Paris pour poursuivre ses études sous la direction d’Auguste Perret, attiré par la rigueur constructive de ses oeuvres. L’intérêt primordial du maître pour le matériau de construction qui commande le projet correspond à l’approche intuitive de Ravéreau qui dessine par détails. «Il m’a dirigé vers ce qui me motive aujourd’hui, partir du détail construit, du matériau, des éléments… des ingrédients qui feront un tout harmonieux» (p.16). Pour Ravéreau, «l’architecture c’est tout le temps résoudre un problème de géométrie dans l’espace» (p.29) où la plastique découle du jeu des volumes autant que du choix des matériaux utilisés dans le projet.

Dans la tradition des voyages d’initiation, il part en 1949 pour Alger où il travaille chez Michel Luyckx, ancien élève de Perret, d’une génération son aîné. A la fin de son séjour, alors qu’il s’apprête à repartir, il voyage dans le sud jusqu’à Ghardaïa, où il a sa «révélation». Il découvre le M’Zab qui devient dès lors sa quête, «une obsession, une habitude» (p.24). Il est fasciné par l’architecture mozabite millénaire de ces villages reculés.

Revenu en France, il étudie auprès de Marcel Lods et obtient son diplôme en 1958. Une première mission l’emmène en Grèce pour la reconstruction massive de logements suite à un tremblement de terre. Il y rencontre Manuelle Roche alors interprète et plus tard photographe, qui devient sa compagne. Rapidement, il retourne en Algérie à Orléanville qui a souffert d’un cataclysme comparable. A Alger ensuite, il travaille à l’agence du Plan en charge des questions d’urbanisme auprès de Gérald Hanning, un compagnon de Le Corbusier, qu’il remplace à partir de 1960 sur le plan d’urbanisme pour le M’Zab. C’est à Ghardaïa qu’il réunit sa famille pendant l’insurrection.

Après la proclamation de l’indépendance de l’Algérie en 1962, dépourvu de travail, il est contraint de rentrer quelques temps à Paris pour s’engager sans motivation dans différentes agences. Il remarque à cette époque qu’il conçoit du «particulier au général», notamment en démarrant ses réflexions avec les accidents topographiques du site et les faisceaux des vues, à l’opposé d’une grande majorité des architectes qui travaillent «du général vers le particulier» (p.35). Cette manière personnelle l’amène à s’intéresser à toutes les formes architecturales qui découlent de leurs fonctions et des adaptations aux climats. Les réponses architecturales au Nord et au Sud ne peuvent pas être les mêmes : «faites attention, ne transposez pas les choses sans prendre connaissance de tous les paramètres en jeu» (p.52). Les architectures vernaculaires, ces architectures abouties, à l’épreuve du temps, appropriées aux lieux et aux climats, aux mœurs et coutumes de chaque pays, concentrent ses recherches. Il commente ainsi sa démarche: «Je ne fais pas de l’histoire de l’art, je suis en train de réfléchir comment, moi, architecte, je vais travailler en Afrique du Nord. J’observe à quoi me rattacher. Je ne peux pas copier, je ne peux pas refaire, mais j’ai au moins l’ambition d’avoir la connaissance de ce qui existe. Comprendre pourquoi ces maisons ont été construites comme ça, pourquoi avec tels matériaux» (p.113).

De 1965 à 1971, André Ravéreau est le seul architecte en charge des Monuments historiques pour l’ensemble du territoire algérien. Il classe au titre du patrimoine la ville de Ghardaïa et mène de nombreux travaux sur la casbah d’Alger. A ce poste, il approfondit chaque jour ses connaissances sur la ville d’Alger, apprenant de ses erreurs que lui cause encore au début une méconnaissance de certains savoir-faires et modes de vies locaux. Citons l’exemple sur le subtil positionnement des fenêtres et des volets qui permet de maîtriser lumières et vues entre extérieur et intérieur et inversement, dont il raconte son apprentissage. Il en retire le concept de «siège au sol» qu’il perfectionne au fil de ses observations sur les positions de l’œil d’une personne assise par terre. Lorsque l’«on s’assied au sol, l’œil ne doit croiser que des rectangles purs (…), les plafonds doivent être purs» (p.42) ; clarté constructive signifiée par la régularité des solives, l’absence de chevêtre ou d’interpénétration de surfaces différentes. Il précise : «Quand on change de surface, on change de volume, et comme chaque surface est affectée à un usage différent, cela induit une cohérence extrême entre la construction, l’usage, et la plastique. C’est cela à mes yeux, la pureté» (p.42). C’est là une des leçons que lui inspire Alger. Ce principe du «siège au sol» synthétise ce qu’il y a vu, compris, appris, et qu’il préconise depuis pour les architectures de pays chauds.

Du M’Zab, il retire un enseignement magistral sur l’urbanisme issu du site et sur une architecture magnifiquement nécessaire et suffisante. Des habitats denses et fortifiés y sont édifiés sur un promontoire le long d’un oued dans la tradition d’implantation urbaine des populations de la région des Ksour. L’essence du travail de Ravéreau est puisée dans cette architecture vernaculaire voire «populaire» (p.105) qu’inlassablement il observe, relève (dans l’urgence le plus souvent, avant destruction), étudie, et révèle comme une architecture savante. Il s’en inspire dans la conception de ses projets dont plusieurs sont réalisés, comme la poste de Ghardaïa, le lycée français de Nouakchott en Mauritanie ou le dispensaire de Mopti au Mali. Pour ce dernier, il reçoit en 1980 le prix Aga Khân qui récompense l’excellence architecturale dans le monde musulman. Il quitte l’Algérie en 1976 pour y revenir, sollicité pour des missions avec l’UNESCO. Il s’installe en Ardèche et poursuit son œuvre de transmission par ses livres et ses activités, notamment au Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement (CAUE) de Lozère, de 1985 à 1993. Il termine aujourd’hui sa maison en Grèce où il a choisi de s’installer et de continuer à écrire avec sa femme Manuelle Roche.

Dans ce livre, André Ravéreau nous fait partager sa passion d’un métier qui se heurte aussi à la réalité des difficultés financières et de l’incompréhension de trop de décideurs. Sa fille Maya, devenue architecte, signe une préface sobre, vive et pleine d’humilité envers un père qui n’a pas encore livré tout son savoir.


Illili Mahrour
( Mis en ligne le 22/11/2007 )
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