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Art XX
Camille Morineau   Artistes femmes - De 1905 à nos jours
Centre Pompidou 2010 /  24.90 € - 163.1 ffr. / 175 pages
ISBN : 978-2-84426-478-7
FORMAT : 20,5cm x 25cm

L'auteur du compte rendu : Alexandra Person est diplômée en histoire de l'art (Master I,II Université Paris-IV la Sorbonne). Elle a plus particulièrement étudié l'art officiel et la propagande sous la colonisation française. Elle participe actuellement à la gestion d'une collection privée d'art moderne et contemporain.
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A l'origine d'une initiative historique et controversée baptisée "elles@centrepompidou", le Musée National d'Art Moderne (MNAM), a révolutionné l'accrochage de ses collections permanentes, en exposant exclusivement des femmes artistes, de mai 2009 à février 2011. En réunissant ainsi plus de milles œuvres d'art moderne et contemporain sous la seule exigence du genre, Camille Morineau, commissaire d'exposition de cet accrochage hors norme, visait à démontrer l'irréductibilité de l'art chez les femmes à ce critère. A travers la diversité des œuvres rassemblées, l'expérience d"elles@centrepompidou" invalidait l'hypothèse d'un art féminin ou féministe.

A la suite de la publication du catalogue d'exposition, Camille Morineau publie ce nouvel ouvrage aux éditions du Centre Pompidou, sobrement intitulé Artistes femmes de 1905 à nos jours. Plus généraliste et moins dense que le catalogue, cette synthèse est méthodiquement organisée sous la forme de chapitres consacrés aux principales représentantes des grands courants de l'histoire de l'art moderne et contemporain. Rappelant la contribution essentielle des femmes artistes à l'avant-gardisme, l'auteur insiste sur la modernité qui caractérise leur travail, grâce à de brillants exemples puisés dans les collections du MNAM. Fidèle à l'argumentation d'"elles@centrepompidou", l'auteur porte une attention particulière aux recherches des artistes femmes sur l'abstraction et les nouvelles techniques, en particulier dans le domaine de la photographie, puis de la vidéo. Par ce biais, elle entend réaffirmer l'impuissance du genre (féminin ou masculin) à distinguer les artistes.

Parcourant l'art des artistes femmes sur plus d'un siècle, de 1905 à nos jours, Camille Morineau observe, en effet, la présence essentielle des artistes femmes sur les trois terrains qui, selon elle, définissent la modernité, soit : "l'invention et l'exploration d'un langage abstrait, l'investissement de nouvelles techniques (en particulier photographiques) et l'élargissement du rôle de l'artiste (…)". Conformément à cette définition, l'ouvrage s'ouvre sur les exemples notoires de Natalia Gontcharova (1881-1962) et Sonia Delaunay (1881-1962). Au terme d'une affiliation au Néo-Primitivisme d'origine slave, les deux artistes poursuivirent leurs recherches dans les années 1910 vers l'invention respective du Rayonnisme et de l'Orphisme, deux branches de l'abstraction. Camille Morineau souligne également la radicalité de la Dadaïste Sophie Tauber-Arp (1889-1943), qui demeure une des rares femmes dans l'histoire de l'art moderne à passer directement à la peinture non-figurative. N'omettant pas d'accorder une place à part entière à Judith Riegl (1923-…) et Joan Mitchell (1925-1992), figures indépendantes de l'expressionnisme abstrait hérité des États-Unis dans les années cinquante, l'auteur s'arrête sur l'art minimal, incarné en France, par Geneviève Asse (1923-…) et Aurélie Nemours (1910-2005).

A l'instar des modèles fournis par la peinture abstraite, les exemples d'artistes femmes, ayant marqué l'histoire de la photographie du XXe au XXIe siècle, sont légion dans cet ouvrage. Parmi cette kyrielle d'artistes référencées par l'auteur, retenons l'hommage à la photographie surréaliste de Dora Maar (1907-1997) et Claude Cahun (1894-1954), ainsi qu'à la Nouvelle Vision des années vingt, à travers les évocations de Florence Henri (1893-1982) et de Lucia Mohology-Nagy (1894-1989). Camille Morineau fait justement remarquer que "dans les années 1930, c'est une femme, Florence Henri, qui est considérée comme la représentante principale de la photographie d'avant-garde en France". Son art et son enseignement firent des émules parmi les photographes américaines, dont Lisette Model (1901-1983) et Berenice Abbott (1898-1991). A partir des années quatre vingt, Nan Goldin (1953-…), explore une nouvelle photographie confinant au voyeurisme, sans distanciation, notamment vis-à-vis de la sexualité de certains proches. Elle crée ainsi une photographie intimement liée à la vie personnelle de l'artiste pouvant s'apparenter au journal intime. Cette veine biographique incarnée aujourd'hui par Sophie Calle (1953-…), héritée du féminisme des années soixante, comme le rappelle Camille Morineau, a représenté un véritable tournant dans la photographie.

En réalité, c'est tout un pan de l'art contemporain qui s'origine dans le féminisme. En effet, dès le milieu des années soixante, Louise Bourgeois (1911-2010), Eva Hesse (1936-1970), Annette Messager (1943-…), Yayoi Kusama (1929-…) rénovent l'univers traditionnel de la sculpture, en utilisant des matériaux innovants (résine, polyester, ressorts de lit) ou ordinaires pour repenser le rapport au corps féminin et à la sexualité. D'autres, telles que VALIE EXPORT (1940-…), ou Niki de Saint Phalle (1930-2002), qui pratiqua la peinture à la carabine, prirent littéralement les armes pour abattre les symboles de l'autorité, lors d'actions ou de performances publiques qui placent directement l'artiste au cœur de la société. Dès les années soixante dix, elles mettent en scène leurs propres corps dans des situations paroxystiques de douleur chez Marina Abramovic (1946-…) ou de danger chez Gina Pane (1939-1990), voire d'avilissement chez ORLAN (1947-…) ou Hannah Wilke (1940-1993), afin de stigmatiser la dictature du masculin et par extension les abus de pouvoir tous azimuts. C'est pourquoi, Camille Morineau se garde bien d'une interprétation rigoureusement féministe de ce mouvement, car pour l'auteur, celle-ci relève d'une simplification contemporaine, qui ne tient pas compte de la vraie dimension politique de ces œuvres. La nécessité de conserver et d'archiver ces performances du corps de l'artiste est consubstantielle d'une autre révolution matérialisée par l'introduction de la vidéo dans l'art. A partir de la seconde moitié du XXe siècle, les artistes femmes deviennent pionnières dans l'utilisation de nouvelles techniques, et révolutionnaires dans l'engagement socio-politique de l'artiste.

Pour Camille Morineau, "la réalité s'est donc nettement améliorée depuis les combats des années 1960 et les acquis des années 1970». «Les artistes femmes sont désormais autant exposées que les hommes […] mais valent moins", nuance finalement l'auteur. Si dans cet ouvrage Camille Morineau privilégie le travail des artistes femmes, sur une approche plus sociologique, c'est pour anéantir la distinction entre hommes et femmes artistes. Au demeurant, l'auteur énumère les réelles inégalités qui pèsent sur les artistes femmes au fil de l'histoire de l'art.

Cet ouvrage clair, très bien illustré, notamment de photographies noir et blanc en pleine page représentant l'artiste au travail, est agrémenté d'une chronologie sur l'histoire des femmes et de brèves biographies des artistes citées. Il est en revanche regrettable que cette publication qui remplit pourtant toutes les conditions d'un ouvrage généraliste, fasse l'impasse sur le Design et l'architecture. Cet ouvrage passionnant, renouvelle le sujet récurant des artistes femmes, souvent limité à la période des années 1960 à nos jours. On appréciera donc l'étendue des courants et des mouvements traités dans ce manuel.


Alexandra Person
( Mis en ligne le 16/03/2011 )
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