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| Hans Belting Pour une anthropologie des images Gallimard - Le Temps des images 2004 / 35 € - 229.25 ffr. / 346 pages ISBN : 2-07-076799-X FORMAT : 17x21 cm
Lauteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé dhistoire, il est actuellement allocataire-moniteur à lUniversité de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale. Imprimer
Hans Belting est un éminent représentant dune histoire de lart quil a voulu ouverte aux questionnements dune anthropologie historique. Il sest notamment interrogé sur les fonctions et les usages des images médiévales, en particulier dans sa somme intitulée Image et culte : une histoire de limage avant lépoque de lart (Cerf, 1998). Dans son dernier ouvrage traduit en français, Pour une anthropologie des images, la perspective est bien différente. Il ne sagit ni de lanalyse précise dun type dimage à une époque donnée, ni dune anthropologie historique, mais dun essai pour bâtir une théorie générale de limage, pensée comme indissociable dune anthropologie.
Cet essai est poursuivi au cours de sept chapitres aux objets assez différents. Les deux premiers contribuent à poser un cadre théorique : limage ne peut être pensée que dans son rapport au médium dune part, c'est-à-dire «les supports, ou les hôtes, dont les images ont besoin pour accéder à leur visibilité» (p. 39), et au corps dautre part qui est le véritable «lieu des images». Le premier aspect est principalement étudié dans le chapitre un, le second ensuite.
Les développements suivants mettent à lépreuve ces perspectives théoriques à travers des études thématiques tantôt larges, tantôt plus précises. Le troisième chapitre aborde le problème de la représentation du corps dans une perspective chronologique vaste, des débuts du christianisme à lépoque contemporaine, pour montrer le lien avec la vision de lhomme et la longue genèse dune objectivation du corps. Le quatrième chapitre étudie le rapport entre portrait et blason à la Renaissance. Il montre la progressive autonomisation du portrait, fruit dune conception de la personne comme individu, et source de nouvelles exigences visuelles. Le cinquième chapitre est une importante contribution sur le rapport entre limage et la mort jusquà lantiquité romaine. Bien que le lien entre ces deux thèmes soit essentiel, toute image étant la présence dune absence, Hans Belting peut distinguer deux modèles : celui de la Mésopotamie, de lÉgypte mais aussi de Rome, dans lequel limage apparaît comme la réincarnation vivante du défunt parmi les vivants, tandis que les Grecs des Ve-IVe siècles, notamment Platon, ont introduit une rupture dans cette tradition en considérant limage comme un simple signe qui doit stimuler le souvenir et donc être ressemblante, même si elle ne peut être que simulacre.
Le sixième chapitre est plus précis : il montre comment Giotto, Masaccio et finalement Michel-Ange répondent, par leurs peintures, à Dante qui définissait limage comme ombre du corps. Enfin le dernier chapitre est entièrement consacré à la photographie, centré sur la question de savoir en quelle mesure cette technique nouvelle a pu transformer le rapport à limage.
Pourtant, cette diversité des sujets est traversée par des problématiques et des thèses communes qui font lunité de louvrage et son principal intérêt. Au détour de la problématique sur le rapport corps/image/médium se découvre la thèse de la présence indépassable, quelle que soit lapparence virtuelle de limage, du corps comme lieu de fabrication, de réception et donc dinterprétation des images, toujours liées aux représentations mentales. Cette présence inaltérée du corps constitue la réponse proposée au défi souvent soulevé dans louvrage, dune «crise de la représentation», comprise comme une «crise de lanalogie» entre limage et le réel. Ainsi toute image convoque dautres images dans un échange de regards qui se noue dans le corps. Une autre problématique centrale se déploie autour de lalternative entre une image qui est une représentation in corpore ou in effigie : dans le premier cas, limage est le corps ; dans le second elle est simulacre auquel la mimesis devient essentielle. Enfin tous ces développements, qui peuvent sembler historiques, sont entièrement ordonnés autour dun but : comprendre les images modernes, en particulier limage photographique. Ce livre est en dernière analyse un ouvrage sur la photographie.
La richesse de cet ensemble tient donc principalement aux apports théoriques. Les lecteurs qui attendraient des analyses précises sur un sujet historiquement bien défini, comme ce fut le cas dans LImage et son public au Moyen Âge (Gérard Monfort éditeur, 1998), risquent dêtre déçus. En revanche, ceux qui réfléchissent sur le statut de limage dans la société contemporaine auront tout à gagner dans les ouvertures historiques de Hans Belting, à condition daccepter un langage conceptuel souvent complexe.
Emmanuel Bain ( Mis en ligne le 05/05/2005 ) Imprimer | | |
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