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Courbet et la «vraie vérité»
Laurence Des Cars   Gustave Courbet
RMN 2007 /  49 € - 320.95 ffr. / 476 pages
ISBN : 978-2-7118-5297-0

Exposition Gustave Courbet, du 13 octobre 2007 au 28 janvier 2008, Galeries Nationales du Grand Palais, Paris.
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«Si le hasard vous appelait à la foire d’Ornans, vous observeriez que tous les plus beaux moutons de la foire sont marqués d’un coup de craie rouge sur le dos. Les gens naïfs et bien intentionnés qui ignorent les lois de l’agriculture et des arts s’imaginent, dans leur simplicité et leur candeur pastorale, que c’est un hommage qu’on rend à leur beauté. Mais, hélas ! Ils ne savent pas que le boucher les a marqués pour les tuer !!!!» Voilà ce qu’est la réaction de Gustave Courbet lorsqu’il apprend, en 1870, que son nom figure sur une promotion de la Légion d’honneur. Pour refuser cette distinction, il écrira, plus sobrement, au ministre des Beaux Arts : «Cette décoration de la Légion d’honneur que vous avez stipulée en mon absence et pour moi, mes principes la repoussent. […] quand je serai mort, il faudra qu’on dise de moi : celui-là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, surtout à aucun régime, si ce n’est le régime de la liberté.»

Cette déclaration de liberté peut bien convenir à un individualiste forcené. Et Courbet l’a été. Elle peut convenir à un provocateur aussi. Courbet n’a pas manqué de l’être. Gros buveur, gros fumeur, il avait un goût pour les cafés, les gens du peuple et la vie de bohème, pour l’excès. Son élection comme président de la Fédération des artistes de la Commune de Paris en avril 1871 lui valut un procès. Il fut tenu pour responsable de la destruction de la colonne Vendôme de la rue de la Paix et condamné à en payer le coût de la restauration. Il meurt le 31 décembre 1877, quelques jours avant d’en acquitter la première échéance. Voilà, semble-t-il, le portrait complet de ce mauvais garçon fier et orgueilleux, auteur d’un des tableaux les plus célèbres aujourd’hui du musée d’Orsay : L’Origine du monde.

Mais est-ce là tout ? A juger Gustave Courbet à ces quelques éléments on passerait peut-être à côté du peintre qui, sa vie durant (1819-1877), exerça son métier (il était attaché au titre d’artisan) avec suffisamment de brio et de recherches pour s’imposer comme un incontournable de son époque et pour avoir exercé une forte influence sur les jeunes Manet et Monet. Ce précurseur des impressionnistes fut d’ailleurs beaucoup moins ignoré qu’il ne le dit, sachant jouer les proscrits pour mieux assurer sa fortune. D’ailleurs, s’il refuse la Légion d’honneur en 1870, il n’était pas si réfractaire aux honneurs puisqu’il avait accepté une année plus tôt une décoration à l’Exposition internationale de la Bavière à Munich ; «C’est parce que je ne suis pas citoyen allemand et que je n’ai pas à opiner dans ce pays», se justifia-t-il…

C’est donc un salutaire retour à l’œuvre, à l’œuvre tout entière, que propose ce magnifique catalogue brillamment conçu par les quatre commissaires de l’actuelle exposition du Grand Palais. Excellemment composé, il propose un parcours richement documenté dans la vie et l’œuvre de Courbet, ce qui en fait incontestablement un des plus beaux livres sur le peintre.

On prend le temps alors de comprendre ce que, dans ses scènes de chasse, ses paysages et ses nus, ce fier-à-bras n’a cessé de rechercher : «la vraie vérité». Peintre engagé auprès de certains socialistes et révolutionnaires, communard finalement, Gustave Courbet a très tôt été associé au «réalisme». L’Enterrement à Ornans en fut l’œuvre manifeste. Les Casseurs de pierre, Les Cribleuses de blé ou Une après-dinée à Ornans témoignent suffisamment de cette orientation. Le poète Aragon et le peintre communiste André Fougeron ont eu à cœur de souligner cet aspect de Courbet, ami de Proudhon et de Jules Vallès. De ce «réalisme», Gustave Courbet s’est peu expliqué, lui qui, dit-on, n’aimait pas les livres. En 1855, il précise toutefois ce que l’on peut comprendre par ce terme : «J’ai voulu tout simplement puiser dans l’entière connaissance de la tradition le sentiment raisonné et indépendant de ma propre individualité. Savoir pour pouvoir, telle fut ma pensée» (Manifeste du réalisme, 1855).

La «tradition» et «l’individu» furent en effet deux ancrages importants de ce grand connaisseur des collections du Louvre. L’Atelier du peintre (1855) témoigne magnifiquement de ce type d’équilibre subtil entre le respect d’une certaine tradition (le peintre au travail rappelle Les Ménines de Vélasquez), le jeu avec ses contemporains (parmi les différents personnages figure Napoléon III - «Mossieu Napoléon» comme il l’appelait -, en braconnier pour mieux souligner son illégitimité) et l’affirmation de la place centrale du peintre. Le partage des êtres ici ne reprend pas les partages sociaux traditionnels ; ils se distribuent à gauche et à droite de Gustave Courbet, maître des lieux.

Courbet au centre et à l’honneur. C’est avec justice que l’ouvrage met en exergue ce sublime autoportrait que Courbet gardera avec lui jusqu’à la fin. Il compte certainement parmi les plus puissants de ses autoportraits. Son titre, Le Désespéré épuise mal le sujet. Le cadrage est serré, le regard fixe le spectateur. Le mouvement des mains met à nu un sujet qui se cherche autant qu’il se donne à voir. Ici encore, en «ami sincère de la vraie vérité», comme il se présentait lui-même, Courbet se veut réaliste.


Guy Dreux
( Mis en ligne le 26/11/2007 )
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