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Art de vivre -> Gastronomie & Vin |
| Jérôme Dumoulin Nicolas Le Bec Marie-Pierre Morel Cuisine brute - Le meilleur du simple Flammarion 2003 / 40 € - 262 ffr. / 143 pages ISBN : 2-08-200723-5 FORMAT : 22x28 cm Imprimer
La cuisine actuelle ne recule plus devant aucun mélange, aussi exotique et inattendu soit-il. A lheure où elle se doit de sans cesse innover, découvrir et étonner, il nest pas inintéressant de constater un retour parallèle vers des saveurs simples, des goûts dautrefois, en somme, une volonté de retrouver une Cuisine brute. Cest à elle que Jérôme Dumoulin a pensé en imaginant ce livre singulier et attirant.
Lintention est ambitieuse : redonner le goût de saveurs naturelles, simples, pures, presque primitives. On se dira facilement quil ny a rien dextraordinaire à privilégier les saveurs primaires, pour lesquelles chacun a une préférence, ou au moins un penchant. Mais voilà qui limite bien vite lintérêt dun tel ouvrage. Si les quatre saveurs primaires que sont le salé, le sucré, lacide et lamer, constituent une base évidente à cette redécouverte du goût à létat brut, lauteur pousse à aller plus loin, et à retrouver également les produits au naturel. Cest donc bien à un voyage au fondement même de ce qui fait la cuisine que nous sommes conviés : à la fois le goût, pur, et le produit, brut.
L'entreprise ne manque pas de courage pour un livre de cuisine, qui se doit évidemment de séduire, de donner envie. Or, certains goûts ont encore du mal à trouver droit de cité dans limagerie du plaisir. Il nest par exemple pas simple de séduire par un plat dédié à lamertume. Ce pari risqué est pourtant relevé par des recettes alléchantes : sorbet au thé vert, salade de trévise, roquette et artichaut cru
Dautres volets sont évidemment moins risqués, quil sagisse de la «douceur des foies» (pommes entières cuites au four au foie gras de canard) ou évidemment du sucré (confiture de lait
). Pourtant Nicolas Le Bec, qui a imaginé ces recettes, ne cède jamais à la facilité et surprend avec des trouvailles inattendues (glace au miel, pêches damour
) et exigeantes (encornets grillés à leucalyptus, ou le magnifique uf coque aux mouillettes truffées, qui illustre la couverture
), ne réduisant ainsi jamais la simplicité au simplisme.
Dans cette recherche de la pureté, les recettes prennent parfois des tours inattendus pour un tel ouvrage, en autorisant les associations de goûts : caramels au beurre salé, citrons confits au sel, terrine de fruits secs au Roquefort
Mais loin dêtre une concession au goût du jour, il sagit plutôt à chaque fois de redécouvrir la base dun goût à travers un autre, dans des associations parfois déroutantes (rhubarbe rose pochée salée, tuiles à lorange et au poivre noir
) mais finalement révélatrices.
En tant quobjet, le livre est à limage de son propos : sans concession. Le noir qui domine tout au long de louvrage est âpre. La photographie de Marie-Pierre Morel, au demeurant magnifique, ne joue pas ici son rôle habituel dappât, dans des livres de cuisine se voulant avant tout alléchants. Si elle ne renonce pas à se faire appétissante (gelée de pommes vertes, omelette froide aux ufs de saumon
), elle ne recule pas non plus devant la représentation brute des produits, dans ce quils ont parfois de moins attirant, comme cette anguille fumée, entière, serpentine et grimaçante, dont la préparation en rillettes à lestragon met pourtant leau à la bouche.
Si cet ouvrage exigeant ne sadresse sans doute pas à des débutants, il séduira de toute façon tous les curieux, les amoureux du goût, et sans doute même les inconditionnels de la fusion-food !
Raphaël Didry ( Mis en ligne le 12/03/2004 ) Imprimer | | |
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