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Poches -> Littérature |
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Petit guide du chauffeur illustré | | | Bertrand Latour Un milliard et des poussières Le Livre de Poche 2011 / 6.95 € - 45.52 ffr. / 380 pages ISBN : 978-2-253-12909-7 FORMAT : 11cm x 18 cm
Première publication en août 2008 (Hachette Littérature) Imprimer
Jules, la trentaine bien grignotée, est chauffeur de limousine pour un grand hôtel parisien, Le Palace (toute ressemblance avec le Ritz
). Au volant de ses Mercedes Classe E ou S, il conduit les grands de ce monde dun bout à lautre de la capitale (entre lArc de Triomphe et la place Vendôme sentend, avec une forte fréquentation du Triangle dOr), toute une bigarrure de milliardaires quil cherche à contenter et séduire, toujours en chasse du tip (pourboire) le plus généreux possible : mafiosi russes ou serbes, avec leurs femmes aux déhanchements péripatéticiens, rois du pétrole arabes ou texans, yankees pleins aux as
Entre le Bourget où stationnent les jets privés et les salons cossus du-dit Palace, les journées se suivent et, finalement, se ressemblent beaucoup.
Jules vit avec une sud-américaine au sang chaud, aussi intelligente que nymphomane, de lui, intime et maternelle, lalter-egote idéale en somme. Sauf que Paula cest son nom a lutérus qui la démange sans quil ne soit question ici ni de libido ni de MST : elle veut un bébé. Jules regimbe, Jules atermoie
Jules perd Paula : les deux tourtereaux décident dune pause, le temps que Jules se décide et assoie leur relation sur suffisamment dargent.
Un milliard et des poussières nous fait donc aller et venir, dun nabab à lautre, ce chauffeur plus ou moins plaqué, à la fois guide dans Paris, soutien psychologique mais aussi gigolo (un peu) et escroc (un peu aussi), limite proxénète ; un collègue le convainc en effet dentrer avec lui dans une combine visant à trouver pour leurs clients les plus concupiscentes des prostituées de haute volée.
Sociologue enfin : observateur de cette jungle, armé de lintelligence et dun cynisme adéquats, Jules décrit les us et coutumes de ces happy few, de façon plutôt crédible et prenante. Exemple, lorgie dans le XVIe : «Dans ce nexus de forces disruptives quest une partouze à Neuilly, je cherchais toute larchitecture quil y aurait eu derrière. Larchitecture ? Lépiphanie ? Dieu ricanerait-il derrière tous ces culs ?» . Il ramène un jour Kate Moss et Pete Doherty, croise ailleurs une future Première dame de France : «La nana, cétait Carla Bruni, top model devenue chanteuse. Avec ses chaussures je-vote-à-gauche et son écharpe palestinienne, elle prenait des airs de pas en avoir plein les poches. Au test du Nouvel Observateur «Êtes-vous bobo ?», elle avait toutes les bonnes réponses, de la marque de thé au lieu de vacances».
Sociologue surtout car, au final, le roman se réduit à une succession de saynètes en limo ; la relation avec Paula comme lescroquerie passent derrière. Doù un côté catalogue dans lénumération de ces courses ; on en vient à penser que le format le plus adapté aurait été celui dun feuilleton, quelque part entre Le Figaro (mais oui, ces gens aussi ont de lhumour
) et Charlie Hebdo. La plume penche en effet vers la droite, mais avec punch et drôlerie, maîtrise et une nonchalance très bienvenue : ce Jules (et lauteur qui tient, derrière, la marionnette) ne se prend pas au sérieux, aligne les poncifs racistes, misogynes et homophobes qui sont, en fait, le contraire de lhomophobie, de la misogynie ou du racisme : un humanisme gentiment égratigné.
Bref, une plume belle, classique mais sans hiératisme (connaissant parfaitement sa langue, Bertrand Latour sait brillamment en jouer) et toujours prompte à décocher au lecteur complice un sourire vrai.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 25/07/2011 ) Imprimer
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