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Quand Milan rencontre Federico, Francis, Anatole, Arnold et les autres…
Milan Kundera   Une rencontre
Gallimard - Folio 2011 /  6,80 € - 44.54 ffr. / 256 pages
ISBN : 978-2-07-044336-9
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en mars 2009 (Gallimard - Blanche)
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Le titre est trompeur : ce n’est pas une, mais au moins neuf rencontres que relate le dernier recueil d’essais du célèbre auteur franco-tchèque. Il faut préciser «au moins», car ce sont plusieurs noms qui défilent à la fois dans chacun des textes : musiciens (Schönberg), peintres (Bacon), cinéastes (Fellini), et bien sûr poètes, dramaturges et romanciers (Anatole France, Malaparte, Rabelais, Brecht…). En baptisant ce livre Une rencontre, Milan Kundera démine, dès ce seuil qu’est le titre, la principale critique qu’on pourrait lui adresser.

En effet, il ne s’agit pas d’un essai théorique, obéissant à une thèse, présentant une structure interne cohérente, comme l’était par exemple L’Art du roman, datant de 1986. Il faut davantage prendre la métaphore de la «rencontre» pour ce qu’elle implique : les neuf textes du recueil sont autant d’exercices d’admiration et/ou de réhabilitation vis-à-vis d’œuvres et d’artistes que l’écrivain a rencontrés au gré de sa vie, et qui ont été déterminants dans son propre travail et dans sa formation intellectuelle et affective. Les textes se suivent a priori sans ordre ni plan, et cette juxtaposition exhibe volontairement le caractère hétéroclite et «buissonnier» de l’ensemble. Certes, on aurait sans doute aimé que Milan Kundera se fende au moins d’une brève introduction, qui justifie le choix des textes, ainsi que la nécessité qu’il y avait de les réunir. On ne peut se départir totalement de l’impression qu’Une rencontre obéit davantage à des considérations éditoriales qu’à des impératifs intellectuels, et le projet en lui-même sent quelque peu le fond de tiroir. Certes, après tout, les plus belles rencontres ne sont-elles pas celles qui arrivent sans crier gare, au hasard, sans que l’on s’y attende ? Mais si l’on veut directement et plus «efficacement» approfondir notre connaissance de l’œuvre et de la pensée de Kundera, mieux vaut consulter le livre de Martine Boyer-Weinmann, Lire Milan Kundera chez Armand Colin dans la collection «Écrivains au présent».

Pour ce qui est des textes en eux-mêmes, ils intéressent (mais, comme dans les films à sketchs, c’est la loi du genre) inégalement. Un des plus forts est sans doute la méditation sur Francis Bacon, intitulée «Le Geste brutal du peintre», qui part des figures en distorsion de l’artiste anglais pour aboutir à une réflexion sur le moi et ses limites, et sur ce qui reste irréductiblement humain par-delà la défiguration. La réhabilitation d’Anatole France est aussi appréciable en ce qu’elle ressort du purgatoire littéraire un romancier bien vite enterré par les surréalistes en leur temps. Certaines remarques sont également plus que discutables, mais sont en cela précieuses pour la réflexion, au choix : la diatribe contre les universitaires qui auraient quasiment «tué» l’œuvre de Rabelais, la remise en cause d’une littérature engagée, ou bien encore la proclamation de la fin de l’art et de la culture à propos du sort réservé à Fellini et à Schönberg (proclamation qui reste toutefois beaucoup plus fine et intelligente que la plupart des déplorations sempiternelles de certains nouveaux réactionnaires, et donc aussi plus crédible). On est également quelque peu gêné lorsque Kundera prend la défense de Céline (jeté injustement, selon lui, dans «les poubelles de l’histoire») à travers la célébration d’un texte de l’écrivain qui présente la «beauté sublime de la mort d’une chienne», sublime car morte sans le «tralala» insupportable que font les hommes lors de leur dernier soupir : c’est oublier un peu vite les millions de victimes de la Seconde Guerre mondiale, disparues sans le moindre tralala (euphémisme) ; la remarque, appliquée à un écrivain notoirement antisémite et un moment pro-hitlérien, reste problématique.

Toutefois, au-delà de ces remarques, Une rencontre reste un recueil globalement stimulant et un discret, mais salutaire, éloge de l’art et de la culture. Reste un beau fil rouge qui se tisse patiemment entre les neuf essais hétérogènes : celui qui affirme l’importance du non-sérieux, qu’il prenne tantôt la forme d’un «rire sévère», tantôt celle d’un «désespoir joyeux». L’humour comme essence de l’art. Ou comment l’on rencontre à nouveau Fellini, Rabelais, Cervantès et les autres.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 15/02/2012 )
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