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Poches -> Littérature |
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De la banalité des faits divers | | | Eric Faye Nagasaki J'ai lu 2011 / 5 € - 32.75 ffr. / 94 pages ISBN : 978-2-290-03440-8 FORMAT : 11cm x 18 cm
Première publication en août 2010 (Stock) Imprimer
Un petit roman, pour un petit événement, dont limportance varie au gré des perceptions quen ont chacune des parties. Pour la presse, ce fut lobjet dun fait divers qui ne devait pas sortir de la rubrique des insolites, des petites histoires qui, un instant, font sourire détonnement. Pour un observateur attentif, cétait une anecdote de celles qui manifestent un remous dans lécoulement du quotidien. Pour un romancier, cétait un matériau exploitable, un fil à tirer pour débusquer quelque paradoxe de lexistence contemporaine. Pour celui qui la vu survenir dans ce quil considérait comme son intimité, cétait un véritable choc, tant cela perturbait de repères fermement établis. Mais pour celle qui en était la véritable protagoniste, ce fut un drame.
«Tout commence», semble-t-il, par ces détails qui affectent M. Shimura Kōbō. Il nétait pourtant pas homme à être affecté, menant la vie plus lisse quil soit possible denvisager dans cette ville de Nagasaki, sans quon puisse y voir la moindre aspérité. Quinquagénaire, salary man, il préfère rentrer à son domicile solitaire quand ses collègues vont boire après le travail. Et puis il saperçoit que sa tanière nest pas aussi rangée que ses soins attentifs le lui faisaient espérer. Presque rien pourtant, des objets sans importance imperceptiblement dérangés, quelques aliments qui disparaissent du frigo, et limpression ténue mais perturbante quil se passe quelque chose, alors que rien ne devrait arriver dans sa vie. Shimura-san vit avec son temps, et décide donc despionner son propre domicile à laide dune webcam quil peut consulter de son bureau. Cest ainsi quil sapercevra dune présence
Le mystère fait irruption dans le quotidien, point de départ tout trouvé pour un roman. Éric Faye sinspire dun fait divers réel ; on imagine que le personnage la intéressé pour ce paradoxe quun événement étrange soit survenu dans un environnement si banal. Shimura Kōbō paraît si insignifiant, mène une existence si vide, que le presque rien qui le trouble prend mécaniquement des proportions qui le dépassent. Il en est bouleversé, mais réagit finalement dune manière qui désamorce tout mystère ou romanesque. «Allongé, jai attendu, mais ça ne venait pas. Le sommeil ? Non, loubli. Non pas loubli de cette pauvre femme qui ne métait rien, mais celui de mon existence entière dont se dévoilaient tout dun coup le dénuement et laridité. Aucune ambition ny poussait plus depuis longtemps, aucune espérance non plus».
Le trouble est vite éventé, comme lénigme qui fait long feu. Le matériau de lintrigue reste traité à la surface - ou bien manquait-elle irrémédiablement de profondeur, à limage de son anti-héros ? Quelques considérations sont bien ébauchées, de ce que pourrait révéler cette histoire dune société marquée notamment par le vieillissement ou la robotique. Ces lieux communs sont les symptômes dune humanité contemporaine qui donne lieu à des banalités misanthropes : «Je nai jamais aimé ceux qui réussissent. Non pas parce quils réussissent, mais parce quils deviennent le jouet de leur succès, dun Moi aveuglé. Le Moi à tout prix est la fin de lhomme».
Pourtant, alors que Shimura choqué apparaît aussi ennuyeux quavant les événements, lauteur ménage un contrechamp dans la dernière partie du livre, retournement qui en rehausse nettement lintérêt. La présence qui restait obscure prend de lépaisseur, le fait divers qui affectait Shimura-san devient un vrai épisode de vie pour «lautre». Même si Éric Faye néchappe pas au passage obligé que constitue le traumatisme atomique pour Nagasaki, son écriture prend de la consistance. Au final, une lecture brève, formellement bien tournée, dune plume qui se permet quelques jeux sur les mots et les sons mais qui néchappe que de justesse à la chronique de la banalité. Lauteur pouvait se contenter davoir déniché un bon prétexte pour son nouveau livre, mais il a montré aussi lempathie nécessaire pour que son histoire fasse au moins un bon papier aux pages faits divers.
Marc Lucas ( Mis en ligne le 05/12/2011 ) Imprimer | | |
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