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Poches -> Littérature |
| Anne Perry Du sang sur la soie 10/18 - Grands détectives 2011 / 10.90 € - 71.4 ffr. / 749 pages ISBN : 978-2-264-05508-8 FORMAT : 11cm x 18 cm
Première publication française en octobre 2010 (10/18)
Traduction de Jean-Charles Provost Imprimer
Anne Perry est une romancière célèbre pour ses «polars victoriens». Avec Du sang sur la soie, elle abandonne le Londres du XIXe siècle pour se plonger dans lunivers byzantin autour des années 1280. Une période cruciale pour un empire qui se remet mal du sac de Byzance par les croisés, guidés par les Vénitiens, en 1204. Lambition dAnne Perry est de faire découvrir - via lintrigue policière - la complexité du monde byzantin, exprimée entre autres par sa culture religieuse et la foi orthodoxe.
En cette fin de XIIIe siècle, le déclin de lempire byzantin est en cours, face à la montée dun Occident chrétien qui se déploie autour de plusieurs pôles : Venise, carrefour nécessaire entre lOrient et lOccident, la Sicile où règne lun des frères de Saint Louis, Charles dAnjou, un ambitieux qui espère reprendre à son compte les projets de croisade et devenir empereur dOrient avec lappui de la papauté ; troisième pôle enfin : la papauté, justement. Les papes se succèdent durant la période, chaque conclave est loccasion pour les pouvoirs européens de tenter dimposer leur candidat. Quel que soit celui élu, reste le souci constant de la croisade et la volonté de réunir les chrétiens dOrient sous le pouvoir de Rome.
Ce sont ces enjeux quAnne Perry met en scène, faisant circuler son lecteur du palais des doges vénitiens à la cour de Sicile, et jusquà Jérusalem, en passant par une Rome médiévale qui nest encore quun gros bourg, alors que La Ville, même mal remise des drames de 1204, demeure Constantinople où règne Michel Paléologue, conscient de la fragilité de son pouvoir, des inquiétudes de lavenir, de la fragilité du présent. Pour la foule byzantine (et c'est peut-être difficile à comprendre pour un occidental du XXIe siècle), toutes ces questions sexpriment essentiellement dans le cadre de la culture religieuse, qui est la culture commune, le filtre par lequel passent les débats de toutes natures y compris (et surtout) politiques.
Comme souvent dans les romans dAnne Perry, saffirment des figures de femmes fortes, ici lhéroïne Anna Zaridès qui survit à plusieurs secrets enfouis, et arrive à Constantinople avec deux serviteurs proches, Léon leunuque et Simonis la servante fidèle, qui font presque figure de parents de substitution. Anna se travestit en eunuque pour exercer son métier, la médecine, afin de découvrir les responsables de lexil de son frère jumeau Justinien Lascaris, condamné pour avoir participé à l'assassinat dun aristocrate byzantin, Bessarion. Autres figures féminines essentielles : Zoé Chrysaphès, aristocrate, superbe et dangereuse, 70 ans passés, qui affronte Anna et en même temps ladmire ; sa fille Hélène, veuve de Bessarion ; Irène Vatatzès aussi intelligente quelle est laide
Quelques hommes : lévêque eunuque Constantin, leunuque du palais Nicéphore, le vénitien Giuliano Dandolo, lempereur Michel, Charles dAnjou, lintelligent légat pontifical séduit par Byzance, Palombara
On ne dévoilera rien de lintrigue qui se déploie paresseusement sur 750 pages. Certes on salue la performance : faire vivre un monde et une page en général ignorée ou oubliée - de lhistoire médiévale. Pourtant, on exprimera des regrets : peut-être aurait-il fallu couper, trancher dans le vif (mais les éditeurs osent-ils sabrer la prose dAnne Perry ?) pour donner davantage dénergie. Passées les premières pages, la curiosité sémousse à voir Anna devenue Anastasius, leunuque, répéter les mêmes gestes médicaux, avoir la même conversation - ou presque - avec Zoé, etc. La question religieuse, qui est pourtant centrale dans le récit, est mal présentée et l'on défie quiconque na pas quelque idée des différends théologiques qui opposent Romains et Byzantins dy comprendre quelque chose.
La traduction ne transporte pas non plus le lecteur, à moins que le texte anglais ne soit lui aussi écrit de façon un peu sommaire (répétition des mêmes images, recours systématique aux phrases interrogatives
). Manifestement, Anne Perry sest plongée avec délectation dans cet univers complexe quelle découvrait : labondante bibliographie donnée en annexe lindique ! Elle en est ressortie un peu étourdie, totalement fascinée, et elle nose rien abandonner de ce quelle a rencontré. Aussi se perd-elle souvent dans de multiples détails, détours et contours qui affaiblissent en fin de compte le récit, quon y voit un «polar historique» ou un «roman historique».
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 25/07/2011 ) Imprimer
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