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''Tuez-les tous !''
Jean Teulé   Charly 9
Pocket 2012 /  6.10 € - 39.96 ffr. / 221 pages
ISBN : 978-2-266-22015-6
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en mars 2011 (Julliard)
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Après nous avoir fait frémir d'horreur en nous contant l'incroyable mais véridique lynchage d'un jeune périgourdin dans Mangez-le si vous voulez, Jean Teulé s'attaque à l'une des pages les plus tristement célèbres de l'histoire de France : la Saint Barthélemy de 1572. Mais plus qu'à l'événement lui-même, maintes fois exploité dans la littérature et le cinéma populaires, c'est à celui qui en donna l'ordre, le roi Charles IX, que l'auteur s'est intéressé.

L'histoire n'a gardé de lui que le souvenir d'un homme de faible constitution, dominé par sa mère Catherine de Médicis, la véritable instigatrice du complot. On sait qu'il mourut deux années plus tard, rongé par le remord, la folie et la maladie ; on connaît moins les détails de cette terrible descente aux enfers qui méritait certainement qu'on lui consacrât un roman, auquel Teulé s'est attelé dans une écriture mêlant truculence et humour.

Nous sommes ici aux antipodes du raffinement de la cour d'Henri II dépeint par Mme de Lafayette dans La Princesse de Clèves : quelques années plus tard, la monstruosité et le macabre semblent avoir envahi le Louvre de Charles IX. Dès le premier chapitre, le ton est donné : à sa mère et à ses conseillers qui cherchent à lui arracher l'ordre du massacre en lui demandant le sacrifice d'un homme, puis de deux, puis de dix, puis de cent, Charles IX finit par hurler le fameux «tuez-les tous !» qui fit de lui pour la postérité un roi criminel et le plongea dans une démence meurtrière.

Incapable d'assumer ce carnage qu'il a eu la lâcheté de permettre, Charles IX abandonne définitivement la conduite des affaires du royaume à sa mère, et, traumatisé par le déluge de sang qu'il a causé, ne songe désormais plus qu'à en faire couler davantage. Trop d'hommes étant morts par sa faute, c'est sur la gent animale qu'il assouvit ses pulsions sanguinaires. Teulé nous décrit ainsi d'ubuesques scènes de chasses dans les bois, les jardins et jusque dans les couloirs du Louvre où Charles IX course et massacre alouettes, lapins, cerfs, agneaux, chiens et chats, ponctuant son hécatombe par force jurons, à faire rougir même le très rabelaisien pornographe de Brassens !

L'outrance du personnage fait certes sourire, mais à aucun moment Teulé ne parvient, malgré les tourments qu'il endure, à nous le rendre touchant. Il aurait peut-être fallu pour cela que l'auteur nous dépeigne la stupeur ou l'effroi de l'entourage du roi devant ses crises de démence, de façon à en faire ressortir le côté pathétique. Or les autres personnages, au lieu d'apporter le contraste attendu, accentuent au contraire la bouffonnerie de l'ensemble : Catherine de Médicis n'est décrite que comme une vieille sorcière ; le duc d'Anjou, futur Henri III, semble sorti tout droit d'une version Renaissance de La Cage aux folles ; Marguerite de Valois, la célèbre Reine Margot, est dépeinte comme une illuminée trimballant dans les couloirs du palais des squelettes de crâne humain dans des bocaux remplis d'alcool. Ni le cardinal Orsini, envoyé par le pape pour féliciter le roi du massacre des protestants, ni la comtesse d'Arenberg, la gouvernante de la reine – que l'historien flamand Van Meteren qualifia pourtant en son temps de «sage et habile dame», mais aussi idiote que vaine sous la plume de Teulé -, n'échappent au ridicule. Le grand Ronsard lui-même n'est pas épargné : il n'apparaît que sous la figure d'un pédant rimailleur. Seule la jeune épouse du roi, Élisabeth d'Autriche, semble à peu près saine d'esprit au sein de cette étrange société. Et encore, c'est parce que, ne connaissant pas le français, elle en est réduite à observer tristement les éclats de son malheureux époux, sans jamais en comprendre le sens.

L'ensemble tourne d'autant plus à la farce que l'auteur, emporté par sa liberté de romancier, entremêle de façon assez déroutante le vocabulaire de l'époque et un phrasé moderne peu crédible. Car si Teulé revisite le champ lexical de la grossièreté façon XVIe siècle avec un plaisir communicatif - les «chapon-maubec», les «fot-en-cul» et autres «morte-couilles» n'auront plus de secrets pour le lecteur ravi -, il convainc moins lorsqu'il fait dire à Charles IX «j'en ai assez de ce XVIe siècle aux guerres de religion continuelles», ou quand il se permet l'anachronique «toute gothique en noir» pour qualifier Marguerite de Valois.

A trop forcer le trait, Teulé frise la caricature ; à abuser du grotesque, il prend le risque de lasser. Et finalement de manquer son but : tenter la réhabilitation d'un des rois les plus criminels que la France ait connu, mais qui fut certainement un des plus malheureux.


Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 07/03/2012 )
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