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Le complexe de Julian Treslove
Howard Jacobson   La Question Finkler
Le Livre de Poche 2012 /  7.60 € - 49.78 ffr. / 500 pages
ISBN : 978-2-253-16234-6
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication française en août 2011 (Calmann-Lévy).

Pascal Loubet (Traducteur)

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Romancier anglais, né en 1942, Howard Jacobson est fort connu en Angleterre et aux Etats-Unis où il est surnommé le «Philip Roth anglais» car ses romans mettent en scène des juifs britanniques. La Question Finkler a reçu le Man Booker Prize, équivalent de notre prix Goncourt. C’est le premier roman traduit en français de Howard Jacobson (vient de paraître chez Calmann-Lévy, Kalooki nights).

Assez déroutant dans ses premières pages, La Question Finkler, dédié à trois amis de l’auteur morts en 2009, commence sur la présentation de l’un des héros du livre : «Il aurait dû s’y attendre. Étant donné que sa vie n’avait été qu’une succession de catastrophes, il aurait dû se préparer à celle-là». Ce «héros», Julian Treslove, vit une vie terne, qu’il gagne comme sosie de personnages connus tels Brad Pitt. On l’imagine donc beau ! Il est essentiellement habité par une humeur morose, un goût absolu, radical, pour le drame, qui le pousse à n’aimer que des femmes chétives, d’apparence maladive, à se complaire dans les airs dramatiques d’opéras du XIXe siècle, plus particulièrement le grand air de la mort du héros ou de l’héroïne. Il rêve volontiers sa vie, des histoires d’amour, surtout sans enfants : «Les enfants, cela gâchait l’histoire»

Depuis l’enfance, il est l’ami réticent et un peu envieux de Samuel Finkler, son exact contraire : juif extraverti, réussissant tout ce qu’il entreprend. L’un et l’autre ont eu pour professeur d’histoire Libor, désormais nonagénaire. Libor, personnage hors du commun, juif lui aussi, d’origine tchèque, qui a traversé tout le XXe siècle, et symbole à lui seul ou presque de son époque, professeur un temps mais surtout journaliste mondain et auteur de biographies à succès de stars hollywoodiennes.

Les trois hommes se sont éloignés au cours de leurs vies, mais la mort des épouses de Libor et de Sam les rapproche dans un deuil que partage absolument Julian. Un des ressorts du roman est là, dans la façon dont les deux veufs, fort différents, de génération et de tempérament, abordent leur deuil.

Et Howard Jacobson conte bien ces couples que l'on voit se dessiner par petites touches, au fil des souvenirs des uns et des autres, la douleur du manque et l’expérience impossible à partager. Libor en aîné y atteint une dimension tragique. Cependant le personnage central est Julian Treslove, à la fois calamiteux et attendrissant : totalement narcissique, résolument égoïste, père nul, incapable de s’attacher à qui que ce soit, il nourrit depuis toujours une jalousie envieuse à l’égard de Sam. Philosophe de formation, auteur de traités de vulgarisation et de best-sellers sur fond de philosophie de café du commerce, cabot génial s’imposant sur les plateaux de télé, dans les colloques, etc., Sam apparaît comme une des figures caricaturales (et criante de vérité, on en connaît tous !) de l’intellectuel médiatique de notre époque.

Howard Jacobson s’en donne à cœur joie : juif lui-même, il construit le personnage en juif honteux, et autour de lui évoque tous les débats contradictoires sur Israël, la Palestine, déploie toute la palette des antisémitismes, avec un ton joyeusement provocateur et quelques clins d’œil : le club dans lequel Sam réunit le groupe de pensée qu’il fonde - ou plutôt récupère -, nommé Shoah (acronyme de Société des juifs HOnteux Anglais et Humanistes) se tient au Groucho Club de Soho…

Julian considère que la supériorité manifeste de Sam sur lui tient à l’identité juive de celui-ci, et baptise en secret les juifs des «Finkler» ; lorsque commence le roman et qu’il subit une mystérieuse agression dont il sort humilié, il se met en tête qu’il s’est fait traiter de «youpin» et à partir de là cherche de façon obsessionnelle à se prouver qu’il est juif… Il se plonge dans l’apprentissage du yiddish et les bras généreux de la plantureuse Hepzibah qui, elle, est en train de mettre sur pied non loin d’Abbey Road un musée de la culture judéo-britannique.

On ne racontera pas le roman, mais Howard Jacobson se livre à des variations étourdissantes sur les différents aspects de la judéité vus par son héros qui désespère de se sentir exclu : de la circoncision au goût de la spéculation intellectuelle sans oublier l’humour et tant d’autres encore… Le début est sans doute un peu laborieux, mais on pénètre ensuite avec jubilation dans cet univers burlesque et sérieux à la fois, qui parle avec une légèreté volontiers provocatrice d’antisémitisme, de sionisme et d’antisionisme, de racisme, de sentiment identitaire…


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 24/10/2012 )
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