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Nation en ruines
Alexis Jenni   L'Art français de la guerre
Gallimard - Folio 2013 /  9.60 € - 62.88 ffr. / 775 pages
ISBN : 978-2-07-045039-8
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en août 2011 (Gallimard - Blanche)
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Un «écrivain du dimanche» ! C’est ainsi qu’aime à se définir Alexis Jenni. Enseignant de biologie à Lyon, le phénomène de la rentrée littéraire 2011 a décroché le prix Goncourt pour L’Art français de la guerre, son roman paru aux éditions Gallimard (aujourd'hui en ''poche'' chez Folio). L’homme, alors de quarante-huit ans, a en effet été choisi au premier tour par cinq voix contre trois pour sa concurrente malheureuse, Carole Martinez. Cette distinction récompensait les cinq années de travail dont l’auteur aura eu besoin pour conclure ce roman d’un peu plus de 700 pages.

L’ouvrage a fait couler beaucoup d’encre et la critique fut unanimement dithyrambique. Parmi les observateurs les plus autorisés, d’aucuns ont considéré l’œuvre de l’enseignant lyonnais comme «un roman naturaliste par sa méthode, musclé par son style, enlevé comme un chant, inspiré comme une méditation qui court sans jamais peser, atroce comme un procès-verbal, bref, la version contemporaine et réussie des Tragiques, d'Agrippa d'Aubigné» (Patrick Rambaud, Le Monde). Dans ce roman, Alexis Jenni se livre à un vivant récit d’aventure, qui a pour toile de fond les dernières guerres auxquelles la France a pris part. Mais ce n’est pas tout. L’auteur mène en outre une profonde réflexion sur ce qu’il est convenu d’appeler l’identité française. Il invite le lecteur à se pencher plus avant sur notre histoire récente, marquée notamment par l’encombrant héritage des conflits coloniaux.

Pour ce faire, Alexis Jenni met en scène un narrateur un peu à la dérive, qui, par hasard, fait la rencontre d’un certain Victorien Salagnon. Auprès de celui-ci, notre cadre déclassé tente d’apprendre à peindre à l’encre chinoise. Lors de l’une de leurs rencontres, il découvre que l’artiste est en fait un ancien militaire, dont les faits d’arme sont à vrai dire très nombreux. Victorien Salognon participa en effet à la Seconde Guerre mondiale en tant que Résistant, puis alla combattre en Indochine et en Algérie pour le compte de l’armée coloniale. L’esprit encombré de souvenirs le plus souvent tus, l’ancien capitaine finit par s’adonner à l’introspection en compagnie de son visiteur.

On découvre alors un homme tout à fait commun, si ce n’est qu’il fut lycéen dans les années 1940. L’adolescent de 17 ans que Victorien était en 1943 rêvait d’aventure et de voyage. A cette période, seule la guerre ravageant le monde pouvait l’y aider. Un peu fortuitement, Victorien s’engagea donc dans la Résistance, où il rejoint son oncle. Son existence fut happée par la guerre, laquelle le conduisit d’abord outre-Rhin, puis en Asie où il fut blessé, et finalement en Algérie.

Bref, il suivit la France dans ces vingt années de guerre interminable, au cours desquelles il perdit la plupart de ses compagnons d’armes. Afin de maintenir tant bien que mal son équilibre intérieur, le jeune Salognon consacra l’essentiel de ses heures perdues à la peinture. A cet égard, il avance que «nous [les soldats de l’armée coloniale] ne faisions rien d’autre que nous battre, nous étions des soldats perdus, et nous perdre nous protégeait du mal. Moi, je voyais un peu davantage, à cause de l’encre. L’encre me cachait, l’encre me permettait de m’éloigner un peu, de voir un peu mieux. Pratiquer l’encre c’était m’asseoir, me taire, et voir en silence. Notre étroitesse de vue nous donnait une incroyable cohésion, dont nous fûmes ensuite orphelins. Nous vivions une utopie de garçons, épaule contre épaule ; dans la mêlée il n’y avait que l’épaule du voisin, comme dans la phalange. Nous aurions voulu toujours vivre ainsi, et que tous vivent comme ça. La camaraderie sanglante nous paraissait tout résoudre».

Revenant sur l’héritage des guerres coloniales pour la France contemporaine, le soldat Salagnon affirme qu’«il est trop de violences, trop de victimes, trop de bourreaux, l’ensemble est confus, l’Histoire ne tient pas debout ; la nation est une ruine. Si la nation est volonté, et fierté, la nôtre est brisée par l’humiliation. Si la nation est souvenirs communs, la nôtre se décompose en souvenirs partiels. Si la nation est volonté de vie en commun, la nôtre se délite à mesure que se bâtissent les quartiers et les lotissements, que se multiplient les sous-groupes qui ne se mélangent plus. Nous mourons à petit feu de ne plus vouloir vivre ensemble». Le récit du militaire est donc aussi l’occasion de méditer sur l’histoire française et notre identité.


Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 27/02/2013 )
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