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Au temps de l'horreur
Atiq Rahimi   Terre et cendres
Gallimard - Folio 2010 /  4 € - 26.2 ffr. / 90 pages
ISBN : 978-2-07-041674-5
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication française en avril 2000 (POL)

Traduction de Sabrina Nouri

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Il est question, dans ces pages, d'un peuple confronté à l'horreur. Nous voici en effet au temps de la guerre : celle de l'Afghanistan contre l'Union soviétique. Dastaguir a fui son village avec son petit-fils Yassin et attend près d'un pont, au bord d'une route, le passage du camion qui les conduira jusqu'à la mine où travaille son fils Mourad. Or le vieil homme, le Bâba Djân (le "cher père", littéralement), est porteur d'une terrible nouvelle : un bombardement a anéanti la totalité du village ("Je courais vers la maison dans une nuage de flammes et de fumée. En chemin j'ai vu la mère de Yassin. Elle courait entièrement nue. Elle ne criait pas, elle riait").

Aucun survivant sinon lui et l'enfant. Femme, mère, frères, amis, tous ont péri sous les maisons soufflées, devenues tombeaux. Plus rien derrière le messager et son jeune compagnon, qu'un sillage de terre et de cendres, et dans le silence une voix qui parle sans fin à travers le personnage, d'amour et de souffrance : cette voix unique s'élevant dans un désert de ronces calcinées et de lits d'anciennes rivières y développe comme l'écho d'un choeur unanime et obstiné, celui de tout un peuple bafoué et retranché dans sa solitude.

Le ressassement des souvenirs, l'évocation des légendes millénaires dans le dessein d'expliquer l'inexplicable, d'éviter "d'entrer en guerre avec Dieu" ("dont tu implores la miséricorde"), d'établir combien les hommes ont dévoyé à travers les siècles jusqu'à leur raison même de vivre : "Vénérable père, à l'heure actuelle, les morts sont plus heureux que les vivants. Que faire ! Les temps sont durs. Les hommes ont perdu toute dignité. Le pouvoir est leur foi, au lieu que leur foi soit leur pouvoir. Il n'y a plus d'homme digne de ce nom, il n'y a plus d'homme valeureux". Qui se souvient encore de Rostam (héros légendaire du Shahnama : Le Livre des Rois) ?

"Aujourd'hui Sohrab assassine son père et, pardonnez-moi l'expression, baise sa mère... L'époque est à nouveau aux serpents de Zôhak, des serpents qui se nourrissent du cerveau de notre jeunesse..." C'est Mirza Qadir, le boutiquier dont le silence "ressemble à celui d'une image", qui répond par ces mots au Bâba après que celui-ci lui a révélé que Yassin est devenu sourd : "Il n'y a que ce petit-fils qui ait survécu. Et lui ne peut pas m'entendre. J'ai l'impression de m'adresser à une pierre. Cela me brise le coeur... Parler, ça ne suffit pas, mon frère, si on ne t'entend pas, c'est comme des larmes..."

Un des moments les plus poignants du livre est assurément celui où l'enfant emmuré dans son silence définitif explique en ces termes ce qui est arrivé au village où il est né : "La bombe était très forte. Elle a tout fait taire. Les tanks ont pris la voix des gens et sont repartis. Ils ont même emporté la voix de grand-père. Grand-père ne peut plus parler, il ne peut plus me gronder..." Puis le camion arrive quand on n'y croyait plus. Le Bâba Djân se rendra à la mine. Un dernier signe au sage boutiquier et, quelques pas plus loin, à l'adresse d'un gardien veillant dans sa cabane sur ses démons intérieurs.

Une dizaine de kilomètres enfin à parcourir le long d'une piste défoncée au-devant de Mourad : sans doute celui-ci est-il le fils de Dastaguir mais il est d'abord celui d'un peuple à qui "il faut montrer une nouvelle fois le chemin de la lumière, comme tout père le ferait".

Car ce récit de moins de 100 pages, écrit d'une plume qui a l'éclat adamantin des antiques contes persans, s'adresse à tous les hommes.


Artur Milhan
( Mis en ligne le 20/04/2010 )
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