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Poches -> Littérature |
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Un dimanche à la campagne... | | | Beryl Bainbridge Sombre dimanche 10/18 - Domaine étranger 2003 / 7.30 € - 47.82 ffr. / 218 pages ISBN : 2-264-03234-0 FORMAT : 10 x 18 cm
Titre original : The Bottle Factory Outing, traduit de l'anglais par Françoise Castrano. Imprimer
Freda et Brenda sont un couple comme la littérature et le cinéma en connaissent tant : ces Laurel et Hardy au féminin évoquent aussi les compères touchants imaginés par Steinbeck dans Des souris et des hommes : entre la crapule Freda et lingénue Brenda s'est noué le même lien gauche et puissant.
Ces amies anglaises sont deux greffons farfelus en terre italienne : embauchées par M. Paganotti dans son usine à bouteilles, elles évoluent au sein dun univers qui, tout sis en Angleterre quil soit, dépayse un peu. La solidarité quasi clanique de ces immigrés et leurs codes interfèrent jusquau tragique avec les profils pourtant pas banals de ces deux vieilles filles. Vittorio le belâtre à la moustache mafieuse, Maria la dévote, future mamma à jupons, Rossi, second du patron, contremaître à la main baladeuse, démultiplient en une galerie colorée tous les stéréotypes made in Italy.
Freda est une teigneuse, une boule de nerfs patibulaire, menant au doigt et à la baguette sa colocataire fleur bleue, veule et éteinte. Rien ne rassemble ces deux héroïnes sinon leur différence justement, presque complémentaire, et leurs caractères grossis jusquà lexcès.
Toute cette assemblée hétéroclite se réunit dans le roman à loccasion dune sortie dominicale, prétexte trouvé par Freda pour séduire son collègue donjuanesque, Vittorio. Une Irlandais, Patrick (il va de soi !), ajoute ses propres humeurs à cette macédoine explosive. Le pique-nique tourne hélas au vinaigre : le fog et la pluie londonienne gâchent lexpédition. Dans les contreforts de Windsor simprovisent une partie de foot et des balades en forêt
On ne saurait poursuivre le résumé sans trahir le récit. Celui-ci, très prenant du fait de cette palette de caractères et dune intrigue rondement menée, est jubilatoire.
Beryl Bainbridge est une des grandes figures du Landernau littéraire anglais contemporain. Ayant reçu littéralement ses lettres de noblesse dans la monarchie britannique, elle est lauteur de nombreux best-sellers. Son dernier roman, Selon Queeny a paru cette année aux éditions Christian Bourgois. Les ingrédients quelle réunit ici donnent une mixture pas mauvaise du tout, voire très goûteuse. Avec un humour décapant et pince-sans-rire, lauteur dresse des portraits à la fois ridicules et touchants. Cette vision rocambolesque, presque picaresque, pimente dailleurs indispensablement une intrigue plus convenue, quoique la fin mérite une palme pour son originalité : cest avec un tonneau de cognac un peu «fait» à destination de Santander que Beryl Bainbridge clôt son histoire.
Sombre dimanche commence en comédie de murs et se termine en thriller à langlaise. Pas vraiment sombre donc, franchement drôle, le roman se lit avec plaisir et le sourire aux lèvres. On aimerait laccompagner, comme lauteur le fit sans doute, dun verre dasti spumante, breuvage embouteillé dans cette étrange manufacture
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 03/09/2003 ) Imprimer | | |
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