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Le Livre Chien. Ou comment la littérature nous tient en laisse
Roger Grenier   Les Larmes d'Ulysse
Gallimard - Folio 2000 /  2.9 € - 19 ffr. / 165 pages
ISBN : 2-07-041475-2
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Ulysse, en arrivant à Ithaque, a pleuré en retrouvant son chien. Romain Gary a eu un violent sanglot quand Roger Grenier lui a dit que son braque "Ulysse" allait mourir. Depuis des années ils se croisaient rue du Bac et Gary disait au chien : "Viens ici, connard" ! C'était un mot d'amour.

Les Larmes d'Ulysse est un livre prétexte. Prétexte à méditation sur ses rencontres avec les écrivains : ses amis, les vivants et les morts, et tous ceux qui ont parlé de leurs chiens, aimé leurs chiens. Prétexte surtout à des propos sur la vie, le besoin d'amour, la fidélité, l'angoisse, le désir, la mort, et aussi l'ignominie des hommes.

Roger Grenier rêve encore à Ulysse avec qui il s'est si longtemps promené entre le carrefour Bac et le square Boucicaut et partout autour de Raspail et de Saint-Germain. (Il lui arrive de rêver qu'il pleure).

Pendant ces balades, Ulysse (qui avait failli s'appeler Ubu) pissait aussi bien devant quelque ministre entrant à Matignon ; devant Dora, la grande chienne noire (amoureuse de lui) du Secours Catholique ; devant le bel hôtel où Chateaubriand se pomponnait jadis avant ses visites à l'Abbaye-aux-Bois, du côté de Sèvres-Babylone; devant le Lutetia d'où Marianne Oswald sortait "comme une torche rouge" en déclamant Anna la Bonne ; devant la maison de la rue Sébastien-Bottin où Harry, le cocker de Claude Gallimard voulait toujours bouffer Aragon.

Au bout de la laisse, Roger Grenier, mélancolique, se souvenait des chiens de ses lectures d'enfance : Le fidèle Capi, Rin-Tin-Tin, Michael, Croc-Blanc. Et de son vrai compagnon Dick qui lui tenait chaud dans la voiture et connaissait toutes les caissières des cafés de Pau.

On est impressionné par le nombre de chiens qui courent dans la littérature. Voilà Dino, le chien imaginaire de Queneau et Taï-Taï, sa petite chienne qu'il ne voulait pas laisser quand il a dû entrer à l'hôpital. Follette promène Beaumarchais. Toby, le chien de Gide est neurasthénique. Celui de Sartre s'ennuie et (on n'en attendait pas moins) "s'affole de ne pas comprendre ce qu'il comprend". Gamin se suicide en sautant par la fenêtre de Marcel Achard. Martin du Gard voit "un pitoyable besoin de croire" dans les yeux des chiens. Pour Baudelaire, le chien n'aime que l'odeur des ordures et Michaux n'a jamais vu le sien respirer une violette.

Grenier cite tout le monde : Stendhal, Rousseau, Tchekov, Pirandello, Fitzgerald, Racine et "Citron", Aristophane et "Brigand", Rilke, Virginia Woolf et "Flush", Picasso, Faulkner, Camus, Guilloux, Larbaud, Léautaud... Colette Audry écrit que l'homme a choisi le chien "pour en faire le support de l'amour pur". D.H. Lawrence songe à Rex : "Rien n'est plus fatal que le désastre de trop aimer". Quant à Mauriac, il voulait bannir de chez lui tous les chiens et disait n'aimer que les canards. Tartufferie, s'indignait Brenner : Mauriac les mangeait.

Et c'est bien Roger Grenier qui pense "qu'aimer les chiens ne va pas sans désespérer plus ou moins des hommes". Il ne veut parler que des gens qu'il aime. (Wagner et son danois, Céline et Bessy, Hitler et Blondi, il n'a rien à en faire).

Roger-le-cancre se sert parfois de son chien pour éviter les humains : il lui arrive de rester assis bien tranquille avec lui sur le parvis d'une église de Florence, pendant que tout le monde admire les fresques. Il échange aussi un regard avec Ulysse dans un salon où il s'ennuie autant que lui.

Il pense à la vie trop courte des chiens, nos "bêtes à chagrins". Ne sont-ils pas comme nos livres ? (Et comme nos amours qui, "sauf exception", ne durent pas autant que nous). Un peu triste, il se demande si la littérature n'est pas "un animal familier et exigeant qui ne vous laisse jamais en paix, qu'il faut aimer, nourrir, sortir" et "qui vous donne le chagrin de mourir avant vous".


Vivette Perret
( Mis en ligne le 24/07/2001 )
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