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Poches -> Littérature |
| Edmund White La Symphonie des adieux 10/18 - Domaine étranger 2003 / 10 € - 65.5 ffr. / 574 pages ISBN : 2-264-02915-3 FORMAT : 11x18 cm
The Farewell Symphony (1997), traduit de l'américain pae Marc Cholodenko.
Roman publié une première fois en France en 1998 (Plon). Imprimer
Edmund White, auteur narrateur de ce nouveau roman autobiographique, traîne sur plus de 500 pages le souvenir dun dandysme glauque, patchwork pas si gai cousu de moments de bohème entre lEurope et New York. Il y évoque la beauté baroque de vieux hôtels vénitiens, le charme désuet dune dolce vita romaine, lennui grisâtre mais réconfortant du Paris haussmannien et la vie trépidante dun New York aux reflets toujours changeants. Le tout à la sauce gay, cest-à-dire, avec cet étalage mis fier mis honteux dun ethos gay : comme une valse aux amours à la frénésie pornographique, qui, comme le titre lindique, devient cette terrible valse aux adieux
«Le sexe était une ombre que nous jetions partout où nous allions et qui se déplaçait à notre vitesse, comme lombre calme de ses ailes quun avion projette immédiatement sur les champs et les forêts, qui prend la forme du paysage changeant et demeure cependant constante.» (p.346)
Le récit est ainsi celui dune histoire parallèle à celle officielle des manuels de lycéens. Entre les années soixante et nos jours, napparaissent ni Martin Luther King, ni Kennedy, Nixon ou Carter. Pas question de luttes pour les droits civiques ici, pas de Vietnam ni de Guerre froide mais un temps gay et le passage, au fil des décennies, du rejet à la reconnaissance et de la fierté à lopprobre, quand vient le temps du SIDA, chef dorchestre de cette symphonie morbide. Alors, sur les dernières pages du roman, les multiples amants dont lauteur racontait les frasques partagées, disparaissent les uns après les autres, comme les pions maudits dun tragique jeu déchecs.
Mais cest aussi lhistoire dun jeune écrivain, familier des grands artistes, et de son parcours chaotique jusquau graal de lédition. On croise, dans La Symphonie des adieux, des noms fameux : Tennessee Williams, Philip Glass ou Michel Foucault peint sous les traits dun modeste et sympathique philosophe végétarien, avant que la maladie ne lemporte à son tour.
Et puis, dans les miasmes de cette vie délite, éparpillée et soumises à mille vents, la drogue, les drogues, lalcool et cette sexualité débridée «une polyandrie de désirs» (p.347) , quelques bulles oxygénées remontent à la surface, celles dune vie de famille, pas idéale certes, voire un peu lugubre (une mère volage, un père absent, une sur dépressive et lesbienne, un neveu revenu de loin
), mais offrant à une existence marquée du sceau de lanormalité un ancrage rassurant. Tout est là : «
et je pris conscience que tandis que la vie gay est toujours anormale, il ny a pas un moment de la vie hétéro, quelque bizarre ou mélodramatique quelle soit, qui ne paraisse douillettement familier
» (p.136)
Quoique
Car La Symphonie des adieux nest pas quun roman gay, pour gays, étalé spécifiquement sur les étagères «Gays et lesbiennes» des libraires branchés. Grand écrivain, épigone méritant de notre Proust national, Edmund White signe une belle uvre littéraire, à lencre noire mais sublime. On sera sans doute choqué par létalage complaisant dune sexualité hors normes, mais au final, luniversel lemporte. la Symphonie des adieux, cest aussi une histoire damour, du seul amour que le narrateur ait jamais vraiment ressenti pour ce Brice fantomatique, sorte darlésienne dans le roman, parfois cité, jamais montré mais qui, de la sorte, y est omniprésent. Brice, cest lamant, le vrai, le compagnon qui compte. Et cest celui sur qui la mémoire du narrateur se retient pudiquement, donnant à cette histoire chuchotée plus de force encore : «Jai une amnésie terrible à son propos, à propos de nos années ensemble, ce qui je suppose est un analgésique normal, dis-je, bien que pour un romancier ça fasse peur, particulièrement pour un romancier autobiographique comme moi.» (p.449)
Voici donc un grand roman, exigeant, parfois pénible mais dune beauté métallique, grise et lumineuse
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 02/02/2004 ) Imprimer
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