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Poches -> Littérature |
| Serge Joncour L'Idole J'ai lu 2009 / 4,80 € - 31.44 ffr. / 216 pages ISBN : 978-2-290-01853-8 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication en août 2004 (Flammarion). Imprimer
Serge Joncour est un auteur à symptômes, observateur de temps trop modernes, qu'il absorbe pour les rendre sous forme romanesque dun coup de plume pas désagréable. Alors, au temps de X Factor et autres dîners ''parfaits'' de carton pâte, émissions de télé réalité à lopposé de toute vérité humaine, il livre cet automne LIdole, conte ubuesque dont le héros, Georges Frangin, vit une aventure à la fois improbable mais aujourdhui banalisée : la célébrité immédiate, sans effort ni, ici, conscience !
Car cest malgré lui que le pauvre Frangin, médiocre à la perfection, se retrouve un beau matin reconnu et admiré de tous. Or, il na rien fait, ni best-seller ni performance cinématographique, but miraculeux ou provocation spectaculaire. Vivant dans lennui et la solitude les plus poisseux, inscrit aux ASSEDIC, privé de toute vie sexuelle, il est frappé de la célébrité comme dune mauvaise grippe ! Et cest une fois auréolé de cette renommée que films, matchs de foot et mémoires chez des éditeurs sans scrupule, lui sont offerts sur un plateau dargent
En lointain épigone de Ionesco, troquant le drame du totalitarisme pour le désoeuvrement universel de temps ultradémocratiques, Serge Joncour dresse un diagnostic entendu dune société malade dennui, souffrant de la mort des idéologies et du massacre des vraies idoles (les dieux, les idées, les génies et les talents). Ne survivrait plus quun monde à ce point démocratique que tout un chacun, réalisant jusquà labsurde la prophétie wahrolienne, y vit son moment dapothéose sans but ni raison : «Les gloires se tissent pour ornementer le vide».
Faut-il voir là un énième cri dalarme contre la «cathodisation» des esprits ? Le ton est en fait trop léger pour chercher un message. «Il était fatal que lhomme moderne se lasserait un jour de ne faire que regarder la télé, et que la nouvelle tendance ce serait de se voir passer dedans». Mais, face au Fatum du tout télévisuel, on peut aussi proposer déteindre la lucarne bleutée et de se plonger comme au bon vieux temps dans un bon roman qui glisse. On entend alors déjà gronder le reproche massif contre pareil élitisme
«Je ne suis quune baudruche gonflée par lunanime aspiration
», finit par constater Frangin.
Il ajoute plus loin : «je ne suis rien dautre quun cas, un cas isolé dans les rangs de lHistoire, même pas à part, de ceux quaucun talent ne sera jamais venu tenter, aucun remords non plus, aucun coup de téléphone, je suis de la légion des assommés, des assoupis de lépoque, de ceux quaucune colère naura jamais soulevés, aucune guerre, aucune révolte, aucun voisin non plus, je suis lhomme sans voisin, sans attention daucune sorte»
Et cest là une impasse démagogique : vivre la distinction au temps des masses suppose de se ressembler massivement jusque dans la distinction même
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 09/12/2009 ) Imprimer
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