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Poches -> Littérature |
| Yôko Ogawa Amours en marge Actes Sud - Babel 2009 / 6,50 € - 42.58 ffr. / 190 pages ISBN : 978-2-7427-8204-8 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction de Rose-Marie Makino-Fayolle. Imprimer
On ressent comme une apesanteur à la lecture de ce premier roman de Yoko Ogawa, comme une indicible légèreté
Car cest bien de lindicible dont il est question dans cette histoire entre deux amoureux, celui de lamour, maintes fois dit, maintes fois tu, celui dêtres difficiles à capter dans leur essence
Ici, la narratrice est frappée dune maladie auditive rare et mal diagnostiquée : une étrange surdité au monde, survenue au moment où son couple sest effondré. Surdité aléatoire car elle lui donne aussi une acuité nouvelle aux bruits passés, aux ambiances sonores de souvenirs plus ou moins bien contenus
Surdité psychosomatique en somme, étrange, à la fois rempart contre le présent et caisse de résonance difficilement supportable
Une rencontre va permettre le deuil et la thérapie, celle dun sténographe, Y, qui, à loccasion dun article pour un magazine de santé, va aider la jeune femme à transcrire les impressions fugaces de cette pollution sonore. A son contact, fascinée par le pouvoir de ses doigts, elle finit par guérir et trouver un apaisement : «
Pourquoi, lorsque jétais avec Y, autour de nous tout était calme, oui, comme si nous nous trouvions derrière une oreille, cet endroit oublié de tous ? Cest ce que jai pensé en écoutant nos pas.»
Indicible complémentarité entre deux êtres faits pour saimer : elle cache son passé, nerveusement, au creux de ses oreilles, où, lui, de ses doigts, vient lexhumer : «Je voudrais seulement entendre avec mes oreilles la voix de tes doigts», dit-elle
Alors, doit-on voir dans le passage suivant, la métaphore résumant leur histoire ? «Cest Y qui a débouché la bouteille de vin. Jétais heureuse que les hommes fassent presque tous leurs gestes avec les doigts. Jai pensé que cétait bien quils ne débouchent pas le vin avec leur nez. Grâce à cela, je pouvais voir ses doigts accomplir toutes sortes de choses. Jai observé pendant un moment de quelle manière ils entraient en harmonie avec la vis de lextrémité du tire-bouchon, le liège et le goulot de la bouteille. Le bouchon est sorti dun seul coup dans un joli bruit»
Yoko Ogawa signe ici lhistoire dune rencontre charmeuse, dans un style tout ouaté, opaque et éclatant, comme on imagine que le monde transparaît aux yeux, et aux oreilles, de la narratrice : à la fois lumineux et invisible, aveuglant en somme, ici magistralement et joliment
chuchoté.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 13/03/2009 ) Imprimer
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