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Poches -> Littérature |
| Maurice G. Dantec Cosmos incorporated Le Livre de Poche 2007 / 7.50 € - 49.13 ffr. / 572 pages ISBN : 2-253-11994-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en août 2005 (Albin Michel). Imprimer
Impossible de nier la richesse de lunivers imaginé dans son uvre par Maurice G. Dantec, dont Cosmos Incorporated apporte une preuve supplémentaire, sinon amplifiée.
Second XXIe siècle : la Terre et lHumanité, du moins ce quil en reste sous la forme dune Unimanité soumise à un totalitarisme technologique, celui de lUMHU, portent les fruits étranges du tournant du siècle précédent : révolution cyber-technologique, implosion géopolitique dun monde vérifiant le scénario du Choc des Civilisations, déperdition de lHumain dans la Machine via mutations et sélections génétiques, tunning nanotechnologique et plastique, corruption généralisée et guerre globale
Quelques happy-few se sont réfugiés dans lAnneau, oasis aristocratique ceinturant une planète à la dérive :
on ne connaîtrait plus quun monde qui seffondrerait sans arrêt, au rythme de son unification technosphérique, un monde qui ne tenait plus que par la terreur, lespionnage, les réseaux et le trucage biologique.
Le récit débute avec larrivée au Cosmodrome de Grande Jonction, entre ce quil reste du Canada et des Etats-Unis dévastés par la Deuxième Guerre de Sécession, de Sergueï Plotkine, homme programmé par une organisation mystérieuse pour tuer le maire de la Cité. Les 250 premières pages du roman sont celles de la découverte par cet homme sans mémoire, sinon quelques bribes utiles ou étranges (des airs de rock des années 1980 ?!), de cette ville exubérante, décadente, à la fois rayonnante et en totale entropie. Depuis sa chambre de lHôtel Laïka, aidé dun cyber-spectre omniscient du nom de Métatron, Plotkine prépare son meurtre, apprend la topographie urbaine et identifie les habitants de lhôtel pouvant lui être utiles ou savérer dangereux
Puis survient la femme, et son jumeau, et le roman bascule dans une trame touffue, parfois absconse, expliquant les troubles identitaires de Plotkine. Dans ce monde en dévolution, Dieu na pas retiré toutes ses billes. Plotkine est au centre dun grand secret à luvre depuis la Genèse, ici à la sauce SF
On retrouve la verve littéraire et les tocs idéologiques de Maurice G. Dantec : une plume amphigourique, souvent répétitive et redondante, ne lésinant pas sur lanaphore et le martèlement des concepts, mais dune beauté poétique et lugubre collant parfaitement à latmosphère apocalyptique de luvre ; une inquiétude existentielle portée sur lHomme et ses finitudes, les tragédies répétées de lhistoire, le gâchis de civilisations jamais parachevées, lissue de secours toujours offerte par la religion chrétienne ; bref, les larmes dun authentique antimoderne, dun nouveau réactionnaire majuscule
La seconde moitié du roman relève plus du vade-mecum théologico-philosophico-technologique ; lintrigue policière et SF sy noie. Requerrant quelques notions de métaphysique, en histoire des religions, informatique, cybernétique, logistique, linguistique, etc., le texte égare, perturbe, déroute souvent franchement tant lauteur semble se complaire dans ses phrases interminables où abondent paradoxes et chiasmes
Nous, les anges, nous sommes la technologie de Dieu. Créés mais infinis, notre temps est bien celui de la Monade, nous sommes la boite noire de Dieu, car cônes dinduction cognitive, intellects-agents ni séparés ni simples extensions de lUnique, mais toujours synthétiquement disjoints à Lui, nous sommes fermés/ouverts, nous sommes des champs quantiques dont lindividuation némerge quà la coupure de toutes les coupures, comme dans le point pivotal de notre temps-machine, là où tout est nombre, là où tout est code, là où tout, paradoxalement, devient présence manifeste.
Impression dun grand bluff littéraire, étourdissant, enivrant presque
Surtout, une réflexion sur lHomme, sur la Création, la Religion qui relie ces deux ensembles et dont laccouchement littéraire demeure un formidable exemple, au cur même de ce roman dense et abouti. "Pour moi le monde est une machine à écrire"
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 12/01/2007 ) Imprimer
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